Le 25 ventose deuxième année de la République,pendant la Terreur alors que le citoyen Espalungue était sequestré à Condom, les officiers municipaux eurent l'ordre de faire l'inventaire des biens lui appartenant. Le maire et les notables s'étaient alors transportés au château et dans les métairies du dit d'espalungue pour en faire l'inventaire conformémént à la loi du 8 ventose portant que tous les biens des personnes reconnues ennemies de la révolution seraient sequestrés au profit de la république. Ils commencèrent par le rez de chaussée et après avoir gravit les marches d'un des deux perrons, ils entrèrent par une de ces portes-fenêtres dans ce qui devait faire office de salon d'apparat et de reception où les invités du Baron se réunissaient pour discuter ou se divertir après un copieux repas. Cette pièce tapissée de boiserie de chêne dans le style Louis XIV avaient des dimensions impressionnantes avec ses six mètres de hauteur sous plafond, ornée de poutres apparentes et de motifs divers. Les officiers ne purent cependant pas apercevoir les nombreuses tapisseries sur les murs qui avaient été décrochées et remises deux ans auparavant au gouvernement révolutionnaire. Un mobilier assez important se trouvait encore dans la pièce dont en voici l'inventaire:
Douze chaises garnies de paille, quatre gros fauteuils garnis cadis bleu, quatre petits fauteuils garnis de toile cotonnette quadrillée, un sofa garni de toile jaune, un autre sofa garni en cotonnette quadrillée, dix sept chaises garnies en étoffe de soie avec une housse pour leur couverture en toile jaune.
Un feu complet (sans doute un ensemble d'accessoires de cheminée, chenêts, pincettes etc...) , un paravent en papier bleu et blanc, deux écrans garnis en soie bleue servant probablement à se prémunir de la chaleur
Trois tables à jouer et une autre table en marbre avec des pieds dorés, une autre petite table ronde couverte en toile cirée, une glace à cadre doré, dix tableaux en portrait cadre doré, quatre dessus de porte, trois grands tableaux avec leur cadres dorés (dont celui du portrait d'Henry III d'Espalungue et Baron d'Arros appartenant toujours à la famille dEspalungue) , sur la corniche de la cheminée une pendule antique avec ses cadres dorés, six petits vases dorés, deux vases en faience dorée, un étui antique pour une montre, six rideaux blancs en toile avec leurs tringles, un baromètre à aiguille doré en or, un trictrac de vieux bois (ancien jeux de table), un tableau de bois.
Ils se rendirent ensuite dans la pièce voisine (dans l'aile construite au 18ème siècle certainement) qui servait de salle à manger et comprenait entre autre onze chaises, une bergère en paille (fauteuil large et profond dont le fond est garni d'un coussin), une table à manger et quatre buffets contenant une assez grande quantité de vaisselle et de verrerie, dont au total quatre vingt assiette vingt deux plats, douze couverts d'argent et deux douzaines de couteaux "en faïence bleue argentés".
En sortant sur le palier les officiers municipaux avaient inventorié une fontaine d'étain avec sa cuvette, puis ils montèrent aux étages supérieurs en empruntant l'escalier de pierre s'élevant des caves au grenier. Ils trouvèrent encore "directement à coté gauche, au second degré" un buffet rempli de quatre vingt dix assiettes, vingt trois plats, deux sucriers, deux saucières, quatorze petits pots, vingt quatre tasses à café, deux moutardiers, un déjeuner, deux petites casseroles de faïence noire et trois cafetières également de faïence.
Selon l'inventaire, le premier étage du corps principal de logis ne comportait que deux grandes chambres et une plus petite accompagnée d'un cabinet, mais il y avait d'autre pièces dont les portes, fermées à clef, furent scellées par les citoyens susdits. Le mobilier de l'une de ces chambres se composait d'un lit complet avec sa garniture en soie, quatre fauteuils, un sofa garni, deux fauteuils de pailles, sept tableaux avec leurs cadres dorés, un huitième sans cadre une commode, un miroir antique avec deux vases de plâtre, un feu complet et un écran, sur la cheminée cinq petits vases de faïence dorée de coquille. Les autres chambres étaient aussi bien meublées et comportaient chacune une cheminée de belle facture qui en assuraient le chauffage.
Au second étage, les officiers municipaux entrèrent d'abord dans un petit salon occupé par quelques vieux meubles, six chaises, une banquette, deux tables, deux armoires, et décoré de trois vases en faïence posés sur la cheminée, d'un petit miroir, de six portrait en médaillon et d'un tableau. Dans le fond, ils reconnurent un "bouge à deux lits de domestiques" (petite pièce) avec dans chacun d'eux une paillase, une couette, un matelas, un traversin et dans l'un une couverture, plus deux vieilles chaises garnies en toile et une table. Le reste de l'étage comprenait ensuite trois grandes chambres qui furent toutes visitées et inventoriées.
Les officiers allèrent ensuite au galetas (grenier) qu'abrite l'immense toiture d'ardoises soutenue par une magnifique charpente en chêne présentant l'aspect d'une grande nef renversée. Là gisaient quelques vieux meubles usagés dont deux armoires à deux portes garnies de linge tant neuf que vieux : treize nappes, dix huit "tourçons", et quatorze paires de draps de lin usés.
Tous les étages ayant été inspectés, ils ne leur restaient plus qu'à visiter ce qui constitue les bases de l'édifice. Ils descendirent aux caves qui s'étendent sous toute la surface du rez-de-chaussée; en fait il s'agit plutôt d'un vaste sous-sol éclairé et aéré par des soupiraux percés à la base des murs du corps de logis principal. C'était le domaine des domestiques et plus particulièrement des cuisinières chargées de servir la table seigneuriale. Là se tenait la grande cuisine du château au sol pavé de larges dalles de pierre et une vaste cheminée au manteau de pierre. Elle possédait deux armoires destinées à receoir les vêtements du personnel, un vieux buffet, une longue table devant servir à la préparation des repas, un garde manger, trois petites armoires pour y ranger les ustensiles et une cuve à faire la lessive. Les ustensiles de cuisines furent aussi dénombrés mais la liste demeure certainement incomplète, leur quantité étant assez restreinte par rapport à ce que devait nécessiter une importante cuisine. L'inventaire fait état de onze casseroles, un"fassoir", deux écumoirs,un poëllon, trois grilles, deux tourtières, deux "plafonds", une rotisseuse en fer, deux broches, un tournebroche, un feu complet, neuf assiètes d'étain, deux cruches et deux "chaudières. Sortant de la cuisine, un corridor conduit à une petite pièce utilisée sans doute comme logement d'une personne vu la présence d'un lit de domestique.
Vient ensuite ce que les officiers municipaux ont appelé la "petite cuisine" constituant une sorte de débarras recèlant entre autres choses une vieille armoire à deux portes contenant de vieilles ferrailles, une autre armoire du même type servant de décharge et une baignoire à rideau. Ils déclarèrent aussi être entrés dans un petit "chay" où étaient alors entreposés cent vingt bouteilles, deux petit barils contenant tous les deux dix ferrades (une ferrade valait environ dix neuf litres) , trois petits barils d'une ferrade chacun, trois grands pots de salé et deux cruches. Enfin un puits s'enfonçant dans les profondeurs du sol alimentait le château en eau potable. Le sous-sol n'était donc pas une simple cave, il permettait la vie à l'intérieur de la vaste demeure en abritant la cuisine, le garde manger, la laverie et même une salle de bain.
De là les officiers municipaux se transportèrent dans le petit pavillon situé dans l'aile édifiée à la fin du 18ème siècle. Il comprenait deux chambres dont l'une était habité par la citoyenne Espalungue, Marie d'Abbadie de Livron épouse d'Henri-Auguste III d'Espalungue, résidant au château et l'autre par son mari se trouvant alors en réclusion à Condom. Ces deux pièces offraient un intérieur assez cossu avec, par exemple, pour la première un lit à deux dossiers avec rideau de cotonnade, six chaises garnies de la même étoffe, quatre en paille, un "duchesse" garnie d'indienne, une commode le dessus en marbre, une petite table le dessus en marbre avec un petit pied sculpté, un fauteuil couvert de drap jaune, deux armoires, un feu complet, un miroir sur la cheminée, la dite chambre tapissée de toile cirée couleur bleur et blanc. L'entrée de la seconde chambre s'effectuait par un vestibule à côté duquel s'ouvrait un petit cabinet meublé d'un bureau et d'une bibliothèque.
Ainsi s'achève la visite du château
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