Arros au temps
des barons d'Espalungue
Si l’article concernant la généalogie de la famille d’Arros av ait apporté son lot de curiosités révélant ainsi au passage quelques inexactitudes voir même des arrangements avec la véritable descendance des premiers Barons d’Arros, celle de la troisième et dernière famille à s’installer au château, les d’Espalungue qui depuis la fin du 17ème siècle jusqu’au début du 20ème est bien connu des historiens et généalogistes mais va pourtant être complété par une information inédite intéressant directement quelques habitants du village et absente de la généalogie officielle de l’Armorial de Béarn commandé par Louis XIV réalisée entre 1696 et 1701. Une grande partie des détails de cet article provient donc de ce document et de ses suppléments où sont étudiés toutes les alliances, titres et possessions des grandes familles nobles de la province dont celle particulièrement riche des d’Espalungue d'Arros.
Daniel , premier Baron d'Espalungue
Noble Daniel d'Espalungue est né à Pau le 22 janvier 1617 et il est le premier baron d'Arros de la famille d’Espalungue à s’installer au château d’Arros il est aussi dit coseigneur de Saint-Abit et seigneur de Minvielle, alias de Galan d'Asson. Il fut maintenu dans sa noblesse par jugement de M. de Lartigue, du 9 mai 1671. Il est le bénéficiaire de l’adjudication pour le prix de 25000 livres, suivant un décret confirmé par le parlement de Toulouse le 19 septembre 1671 de la terre et seigneurie d'Arros, l'une des grandes baronnies du Béarn, saisie au préjudice de messire Jacques de Gontaut Biron ( petit fils de Pierre de Gontaut Biron et Elisabeth dArros qui possèdent la baronnie depuis 1589 et époux de Catherine de Marca la fille du célèbre écrivain béarnais Pierre de Marca).. Aux termes d'une sentence d'ordre en date du 10 mars 1673, cette somme de 25000 livres consignée par Daniel d'Espalungue en mains de Me Tristan Carrère, jurât de Pau et commendataire de justice, fut réduite à celle de 22065 livres 12 sols et 8 deniers . Daniel d'Espalungue fut alors admis aux Etats de la province pour ce fief le 8 juin 1672 et il fournit le dénombrement de la baronnie d'Arros, le 3 octobre 1675 et plaqua sur cet acte le sceau suivant :
écu écartelé : 1, à deux lions contre-rampants; 2, échiqueté ; 3, à la tour ouverte, crénelée, maçonnée ; 4, à deux lévriers courants, l'un sur l'autre; timbré d'une couronne cle marquis; entouré de deux palmes.

En 1696, le Trésor Royal est vide. Le roi Louis XIV signe un édit imposant à tous les sujets du Royaume possédant un blason de le déclarer officiellement et confie cette charge à une compagnie de financiers .Daniel d'Espalungue est membre de la Noblesse et ses revenus étant suffisant, il fit, ou fut obligé de faire, enregistrer son nouveau blason en 1698 dans les registres de Charles d'Hozier et lui en coûta 20 livres plus les frais d'enregistrements.
Nouveau blason :d'hermines, à un écusson de gueules a un chevron d'or

Noble Daniel d'Espalungue s’était marié par contrat le 27 août 1648 au château de Jasses près de Navarrenx qui fut brulé et détruit à la révolution, avec damoiselle Françoise de Casamajor de Disse, fille de noble Jacques de Casamajor, seigneur de Disse, de Nabas et de Bisqueis, et de dame Jeanne de Saint-Cricq, sa première femme. Le futur époux était assisté, dans l'acte, de noble Henry d'Espalungue, son frère aîné, et de noble Daniel de Casaus, son oncle et la future épouse y était assistée de M. Jacques de Casamajor, sieur de Disse son père et de messire Jean de Casamajor de Jasses, sieur et baron dudit lieu, son beau-frère et pour témoins Pierre Clavel ministre protestant, et Bertrand de Marque, de Jasses. Il eut de cette alliance : 1° Henry d'Espalungue, IIeme du nom qui succèdera à son père comme Baron d’Arros 2° Henry-Auguste d'Espalungue, 3° Catherine d'Espalungue 4° Françoise d'Espalungue,
Daniel d'Espalungue, qui était protestant, vit avec peine la révocation de l'édit de Nantes et fit tous ses efforts pour empêcher les conversions de ses coreligionnaires. Il semble bien que le nouveau Baron d’Arros ait continué ainsi à protéger comme l’avait fait ses prédécesseurs les nombreux protestants et les nouveaux convertis d’Arros après même l’interdiction de pratiquer le culte protestant sous peine de mort parfois ou de galères et ce en dépit des efforts pour convertir tous les béarnais par la force de l’intendant Foucaut en 1685 , mais aussi depuis la liberté de reprendre la pratique du culte catholique en Béarn au début du siècle pendant le règne d’ Henri IV alors converti au catholicisme pour pouvoir porter la couronne de France et les restrictions grandissantes contre ceux de la R.P.R. Notre village comme ceux de Boeil et Beuste et à moindre degré de Saint Abit restèrent malgré cela des terres où la religion réformée ne fut pas éliminée aussi facilement comme dans la plupart des communes, certaines pourtant étant à majorité protestante, comme par exemple à Pontacq où il y eut des conversions massives et quasi-totales avant même l’arrivée des redoutés Dragons .Les registres protestants du 17ème siècle à Nay témoignent dans de nombrex actes la présence de familles de notre village alliées à celles des communautés voisines mais cette vision est encore plus évidente à partir dès 1669, date à laquelle le temple d’Arros fut définitivement fermé et où les habitants encore très nombreux professant la religion prétendu réformée sont poussés à faire enregistrer leurs naissances à Nay malgré les contraintes grandissantes contre les pratiquants des thèses de Calvin. Le registre des baptêmes protestants contenant les actes entre 1669 et 1685, très peu connu des généalogistes, laisse apparaitre que le nombre de religionnaires est à cette époque supérieur dans les villages d’Arros et Boeil entre autres, à ceux de Nay où les grandes familles protestantes historiques implantées depuis le milieu du 16ème siècle ont pour ainsi dire toutes disparu ou se sont déjà converties. Si les derniers protestants sont issus très souvent de familles de commerçants bourgeois, nobles et avocats au parlement ou même descendant des pasteurs dans les principales cités du Béarn ayant profitées certainement de nombreux avantages et privilèges au temps où le catholicisme était encore interdit dans la province et leurs biens confisqués, on trouve apparemment dans notre village aux 17 et 18ème siècle une population de plus modestes agriculteurs et artisans protestants et ce jusqu’à la fin du 18ème siècle. Les registres paroissiaux d’Arros sont d’ailleurs les seuls dans la région de Nay à y transcrire encore des abjurations jusqu'en 1768 soit plus de 80 ans après la révocation de l’édit de Nantes .La présence des Barons d’Arros des familles Gontaut- Biron et d’Espalungue , toutes les deux étant de pure tradition huguenote, explique en grande partie la particularité de notre village d’avoir été certainement une terre de refuge à diverses époques pour les protestants ou les nouveaux convertis ( souvent sans vraiment grandes convictions) de la région et même au-delà. Un autre détail confirmant cette idée qu’Arros n’était vraiment pas un village comme les autres se trouve dans l’histoire unique dans la région de deux de ses habitants de vieilles souches protestantes condamnés aux galères après avoir tenté de fuir le pays refusant l’abjuration de leur foi (leur aventure fera l’objet d’une étude plus en détail prochainement sur ce site) .
La famille du Baron lui-même ne fut pas épargnée pour ses activités en faveur des protestants comme en témoigne cet extrait des registres du parlement en date du 30 juin 1685 au matin (en présence de l’intendant Foucault )
« …. M l’ Advocat général Du Brosser a dit qu’ayant reçeu plainte de ce que les Sieurs d’Espalungue père et fils aisné ( Daniel et Henry) empéchoient la conversion de ceux de la R.P.R ce qui estoit d’autant plus punissable dans la personne du fils qu’il estoit jureatu et eslargi seulement soub la caution juratoire de sorte qu’il abusoit de la grace de la cour pour contrevenir aux ordres de Sa Majesté et a demandé permission d’informer tant contre les dits d’Espalungue que contre les autres contrevenants, ce qui luy a esté octroyé et M de Saint Macary a esté commis pour se transporter en la ville de Nay et faire la dite information » .
D’après un autre extrait des registres Henry, l'ainé des fils de Daniel ,est emprisonné en juillet 1685 quand son frère Henry Auguste dit Chevalier d’Espalungue gravement malade supplie la cour de lui permettre de lui rendre visite.
Agé Daniel d’Espalungue donna procuration, les 28 février 1691 et 26 septembre 1696, à messire Henry d'Espalungue, baron d'Arros, son fils aîné.et mourut peut être à Arros vers 1700 soit à une époque où les registres ne nous sont pas parvenus (et si en tant que protestant son acte de décès y eut aussi été enregistré)