Créer un site internet

Correspondance d'un poilu

 

 

Lettres envoyée à sa famille par Edouard Lanusse avant et pendant la guerre de 14/18

Première partie


 

Lille, le 9 juillet 1913

Carte à Mr Noutz Marcellin au Carmel de Bethleem

Cher cousiot,

   Vos prières sont puissantes devant Dieu ; je viens d’être reçu bachelier, malheureusement je n’ai pu décrocher aucune mention malgré tous mes efforts. Il est vrai qu’on s’est montré assez sévère même pour l’oral puisqu’à mon bureau la moitié seulement ont été reçu. Je ne vous dis point autre chose car je vous parlerai bientôt de vive voix. Le bonjour à Bernasconi  pour son aimable lettre.

Edouard  Lanusse


 

Bethleem, le 5 octobre 1913

Bien chère sœur,

Combien j’ai douce souvenance

Du joli lieu de ma naissance

Ma sœur, qu’ils étaient beaux ces jours

De France

O mon pays, sois mes amours

Toujours

            N’est ce pas chère sœur qu’ils étaient beaux ces jours que nous avons passés ensemble auprès de notre mère. Hélas, ils ne sont plus.

Ainsi tout passe, tout s’efface

Ainsi nous-mêmes nous passons

Sans laisser nulle trace

Sur cette mer ou nous glissons

         Non, tout ne s’efface pas, il reste au moins le souvenir, et quel doux souvenir !

O lac, rochers muets, grottes, forêt obscure,

Vous que le temps épargne et qu’il peut rajeunir

Gardez de ces beaux jours, gardez belle nature

Au moins le souvenir

Mais que dis je ? Le bon Dieu ne nous a pas créés pour nous faire jouir ici bas. Et la maxime pour nous doit être « La croix ici,  la joie la haut, l’amour partout » Oui supportons patiemment toutes les épreuves que le bon Dieu nous envoie. Offrons lui au commencement de la journée, avec nos cœurs, tous les travaux, toutes les œuvres , toutes les pensées, tous les désirs que nous pourrions avoir durant le jour en expiation de nos fautes. Continue à faire tes fréquentes communions comme par le passé. Continue à te dévouer pour tes petits élèves ; toutefois ne commets pas d’imprudence et ne vas pas tomber malade. Ne fait que ce que te permet ta santé déjà si faible.

Et maintenant tu vas me dire si le jour de mon départ il n’est pas arrivé à Coublucq des cartes venant de la Belgique, si vous avez reçu toutes les lettres que j’ai envoyées depuis le Portugal, ainsi que le journal arabe. Tu vas me raconter in extenso comment c’est passé la communion solennelle à Coublucq ; est ce que Marcelle était parmi les communiantes etc .etc…Tu me diras comment tu as laissé maman, est elle en bonne santé ? et Joseph ? Comment as-tu fais le voyage à Dognen ? Je suis impatient de savoir tout cela, surtout donnes moi des nouvelles de ta santé. Il faut que tu te soignes, n’épargne rien pour rendre ta santé meilleure. Prends des  choses fortifiantes et fais quelques bonnes promenades. Cela te rendra forte.

Une autre recommandation : tu dois me répondre dorénavant aussitôt que tu as reçu mes lettres parce qu’autrement  le temps serais trop long. Regarde en effet, si je t’écris par exemple un mercredi, la lettre partira de Jaffa que le mardi suivant, ça fait déjà huit jours plus huit qu’elle mettra pour traverser la méditerranée plus deux encore qu’elle mettra de Marseille à Dognen. Ca fait dix huit jours si je ne me trompe. Donc en supposant que tu répondes immédiatement, il y aura cependant un mois d’intervalle depuis que je t’aurai écrit. Veille donc sur ce point si tu ne veux pas me laisser dans l’impatience de recevoir de tes nouvelles.

Je vais chaque dimanche à la crèche et tu peux bien penser que je ne t’oublie pas. J’ai été aussi au saint Sépulcre et j’ai eu le bonheur de communier au calvaire à l’endroit même ou Notre Seigneur a été crucifié. Quel est triste la Palestine ! Qu’elle est triste. Toujours un soleil implacable, un sol dénudé et couvert de rochers sans verdure, sans culture, rien que des oliviers, des figuiers, des grenadiers et cependant qu’elle est belle pour le chrétien ! Que de sentiments attendris l’envahissent lorsqu’il passe par la Voie Douloureuse, la même que N.S a suivi pour se rendre au calvaire ! Que de consolation aussi n’éprouve t’il pas à la Crèche et dans une foule de lieux sanctifiés par Jésus, Marie et Joseph. Ici c’est une fontaine ou Marie s’est désaltérée, la c’est la grotte des pasteurs ou les anges annoncèrent aux bergers la naissance de Jésus, ailleurs c’est la grotte du Magnificat etc….

Mais il faut que je parle de notre maison. C’est la plus belle des environs. On estime qu’elle vaudrait deux millions  de francs. Elle est construite en pierre et seules les portes  sont en bois. Les murs ont une très grande épaisseur en sorte que la fenêtre et le contrevent ouvert réussissent à peine à couvrir la largeur. Cela est d’un grand avantage car ainsi l’intérieur est toujours frais. Les chambres sont très spacieuses et très hautes : deux immenses corridors superposés nous servent le soir de lieu de récréation. Enfin, notre maison ressemble un peu à ces antiques manoirs ou parfois le silence lui-même effrayait. Il ne manque que les légendes du haut de la terrasse (toutes les maisons en Palestine ont  des terrasses)  on aperçoit tout Bethleem, malheureusement nous ne pouvons pas jouir souvent de ce point de vue mais on offre ça au bon Dieu.

J’oubliais de te dire qu’à quelques pas de nous se trouvent les Carmélites ; elles sont au nombre de dix neuf je crois et le plus grand nombre est du midi de la France. C’est dans leur église, la plus belle de Palestine, que nous allons entendre la messe et les offices ; ce sont nos pères d’ailleurs qui la desservent puisque même notre maison a été construite aux frais de la fondatrice du Carmel, Mlle Saint Cricq d’Artigau.

Mais c’est mon tour maintenant. Je vais passer dans quelques jours probablement,  le conseil de révision devant le consul de Jérusalem. Il est père et il est fort probable que j’aurai un sursis de cinq ans en sorte aue je viendrai te voir encore une fois en France. J’aurai bien voulu t’envoyer un chapelet comme je te l’avais promis, mais n’y compte pas pour l’instant car je ne puis pas.

En  attendant de recevoir beaucoup de choses en détail, je t’embrasse bien affectueusement.

Edouard Lanusse

Au Carmel de Bethleem

Par Jérusalem

Palestine


 

Bethleem le 14 janvier 1914

Chère soeurette,

  Eh bien !  Cours-tu encore sur les tapis de neige. Moi, je ne puis en faire autant, la neige est quasiment  inconnue dans ce pays. Ce n’est  peut être pas un grand mal mais elle est avantageusement remplacée par un vent violent qui est d’ordinaire assez frais et contre lequel il ne fait pas bon lutter. Heureusement il ne souffle pas très souvent,  du moins avec violence, et alors ce sont des belles journées telles que tu les auras, toi, en avril  et en mai, avec un soleil pas trop ardent, avec souvent un ciel très pur avec une température idéale qui fait bourgeonner les amandiers et même à présent les couvre de fleur comme d’une couche de neige. Les anémones et les asphodèles ouvrent déjà leur calice, et chaque jour les coteaux auparavant arides se couvrent d’une plus épaisse verdure C’est ce que le bon Dieu veut donner les prémices du printemps à la terre qui l’a vu naitre. Et bien qu’elle soit aussi la terre qui a été arrosée par son sang, cependant Jésus ne veut pas dépouiller tout à fait cette nature qui a montré de la douleur à sa mort en se couvrant de ténèbres. Alors il lui donne un temps, bien court il est vrai, mais cependant bien charmant, pour se revêtir de quelques une des beautés qu’elle avait lorsque Dieu y conduisit les Israélites. O n’y voit pas toutefois je t’assure, couler des ruisseaux de lait et de miel. Toi, chère sœur, tu pourras jouir plus longtemps d’un plus joli spectacle parce que tu es sur la terre des sacrés cœurs de Jésus et de Marie, mais cependant qu’il est doux d’habiter ici ! A défaut des fleurs naturelles, nous avons des fleurs de vertu, et qui nous sont doublement chères parce qu’elles ont été transplantées de France dans ce pays                                                                                   

  J’ai été vivement ému un dimanche soir en revenant d’une visite à la crèche nous avons rencontré sur notre chemin une sœur de la charité entourée d’une foule de petites filles qui faisaient un ramage, pas peut être très harmonieux, mais aimable au possible à cause de ces voies enfantines pleines d’innocence et de simplicité. Et tout cet essaim de petits oiseaux s’est mis à répéter mille fois à notre passage  « bonjour mon Père, bonsoir mon Père » Oh ! Que de douces joies doivent éprouver au milieu de tant  de peines, de tant d’endurances de tant d’abnégation ces ‘hirondelles de France’ c est ainsi que  les arabes appellent les filles de la charité, qui ne cherchent qu’à faire du bien autour d’elles. Et quand je songe , ô chère sœur, qu’un jour tu m’avais dit que si le bon Dieu te donnait une bonne santé, ton désir était de te dévouer à une œuvre pareille ! Mais que dis je N’as-tu pas une œuvre presqu’aussi belle  N’est ce pas la ou tu es dans une école libre que Dieu te voulait, pour préserver de ces mauvaises écoles communales, au moins quelques uns de ces enfants que le souffle empesté de livres d’où le nom de Dieu est banni, aurait peut être pour toujours détournés du bon chemin. Va chère sœur, sois fidèle à bien accomplir ta tache et le bon Dieu te bénira. Sans doute tu préfèrerais encore enseigner à des enfants qui n’ont pas reçu de leurs parents la lumière de la foi ; cette œuvre te paraitrait plus belle mais non il ne faut pas que toutes les gardiennes quittent le troupeau au risque de le laisser devenir la proie des loups. S’il faut aller à la recherche des brebis perdues, il ne faut pas moins veiller sur celles qui sont dans le bercail. Cependant je serais si fier de te voir toi aussi une  de ces hirondelles de France. Mais il ne faut pas empiéter sur l’œuvre de Jésus. J’ai entendu qu’on voulait supprimer les écoles libres ; Oh mon Dieu ! Qu’en dit on à Dognen  As-tu rien appris de particulier

   Ton frère qui t’embrasse bien tendrement  Edouard Lanusse , novice


Irun ,  le 11 janvier 1915

Lettre à Julie Lanusse, institutrice à Dognen

                            Bien cher soeurette, pour te rassurer sur mon sort, je me hâte de t’apprendre que je suis à Irun, à Vuena Vista. Apres avoir échappé aux mains des turcs, j ai traversé heureusement la méditérannée et l’Italie en passant par Rome. Je suis resté dans  cette dernière trois semaines ce qui m’a permis de voir deux fois le Saint Père et d’en recevoir chaque fois la bénédiction  pour moi et pour toute la famille. Bientôt je te raconterai mon voyage. Je t’embrasse bien tendrement. Qui sait si nous nous reverrons    sous peu ?

    Edouard  Lanusse poste restante à Behobie


Luchey, le 24 fevrier 1915

       Bien chère sœur, je te demande pardon de ne pas être venu te voir dimanche dernier car j’avais obtenu une permission de quarante huit heures mais j’étais si fatigué en arrivant à Coublucq, le temps étais si mauvais que malgré mon grand désir de te voir, maman n’a pas eu grand effort à me dissuader de venir. Je suis maintenant élève caporal au Luchey à trois km de Xaintrailles que j’ai quitté. Hounieu est avec moi, peut etre rentrerai je bientôt comme infirmier, j’ai fait des démarches peut être aboutiront elles. En attendant pries pour moi et tout ira bien. Pourvu que je fasse la volonté de Dieu le reste m’est égal. Adieu, ma chère sœur je t’embrasse bien affectueusement.

   Edouard Lanusse 7ème coloniale, 26ème compagnie Luchey  Bordeaux


Luchey , le 6 mai 1915

      Bien chère sœur, comment se fait il que tu n’aies pas reçu de mes nouvelles puisque je t’ai écrit  il y a à peine quelques jours ? Je te disais bien que je suis sur le point d’etre nommé caporal ou si tu préfères que je suis nommé en principe, puisque ma nomination peut sortir d’un jour à l’autre. Hounieu, lui, bien que présenté au commandant en même temps que moi est déjà nommé depuis le premier mai, parce qu’il était désigné pour partir mardi dernier du coté de Fréjus, Heureusement pour lui il y a eut contre ordre a cause de son genou qui n est pas encore guéri. Il est caporal à Xaintrailles à la 26ème. L’ayant  perdu comme compagnon, j’en ai trouvé un autre, excellent aussi, un jésuite. Nous sommes en ce moment au Luchey de Cléricaux. Tu penses si nous nous ennuyons ! Ayant eu le bonheur ou le malheur de me faire photographier, je t’envois ma mimique. Elle est plus souriante dans l’une que dans l’autre, c est que dans le groupe j’ai à ma droite le jésuite avec sa pipe et ses lorgnons et comme il venait de me faire passer d’agréables instants il en demeure encore des restes. Gardes ces deux photos  en attendant que je t’en envoie une autre ou je serai seul avec un visage plus joli peut être qu’en nature. Il sera doux un jour de les regarder après la campagne. Ca me rappellera beaucoup de souvenirs. Comme je lis assez peu les journaux, je ne sais pas si Joseph va être obligé à repasser un autre conseil de révision. S’il le repasse, je ne sais pas s’il échappera.  En tous cas pris toujours la sainte Vierge. Elle sera nous protéger si c est pour la gloire de Dieu et le bien de nos âmes. Je serais moi aussi, bien content si je pouvais, durant ce mois béni, la prier comme je voudrais. Mais je dois faire comme je peux et non comme je veux, heureusement le dimanche je puis me dédommager de ce dont je suis privé dans la semaine. C’est un bien grand plaisir pour moi de me refugier dans une église ou règne un silence religieux et de fixer longtemps mes regards sur le tabernacle et vers la Reine des Cieux. Une heure de méditation me fait oublier toutes les bêtises que j’ai entendues durant la semaine et me retrempe pour tout supporter de nouveau.

  Adieu soeurette, je te serre bien fort  Ed Lanusse à la même adresse  jusqu’à nouvel ordre


Bordeaux ,le 16 mai 1915

Chère sœur,

Ah ça mais ! Tu dois donc prier à chaque instant du jour et de la nuit pour que je n’aille jamais au front car voila déjà  la deuxième fois que je manque le départ. Je devais être nommé caporal le premier mai d’abord, puis le 16 mai et voila qu’il y a toujours contre ordre. Décidément on veut me faire moisir au peloton car j’y suis bien pour quinze jours encore à présent. Hounieu est nommé caporal depuis le premier mai, il est même à coté de moi ce qui va fort bien. Et toi qu’est ce que tu as de nouveau à me dire ? J’ai été à Coublucq le jour de l Ascension. Allons ,  tout va bien au pays.

                   Je t embrasse   Ed. Lanusse


 Bordeaux, Le 21 mai  1915

Bien chère soeur,

J’ai quitte hier le Luchey pour aller dans un cantonnement un kilomètre plus loin, C’est que je suis fonctionnaire caporal en attendant que je sois définitivement  nommé ce qui ne tardera pas maintenant ça n’arrivera pas au dela de huit jours à moins qu’ il n’arrive encore de l’imprévu. Très probablement  je serais caporal instructeur  au peloton, du moins  d après ce qu’a dit le lieutenant au sergent qui me commande. S’il en est ainsi me voila ici encore pour un mois au moins avec de plus la perspective de partir au front comme sergent. Qu’en sera t il de tous cela, je n’en sais rien.

  Ah ! Si tu étais plus près de Bordeaux, je t’assure que je pourrais souvent venir te voir, il m’est si facile maintenant d’avoir des permissions. M ais hélas, tu vois bien que je ne puis pas courir soit à Arros, soit à Coublucq, soit à Dognen tous les dimanches. J’ai oublié de te dire tout à l’ heure le nom du cantonnement ou je suis ; il s’appelle le Chène Vert. C’est un  ancien château occupé avant la guerre par les Frères des Ecoles chrétiennes. La chapelle intérieure qui leur servait d’oratoire existe encore dans son ancien état mais il n’est plus possible d’y aller prier. La chambre est fermé  à clef à présent. On peut toujours voir dans une allée du parc la statue de notre Dame du Chène Vert couverte de noms inscrits au crayon. Hounieu est avec moi caporal d’une escouade, on dirait que Dieu ne veut pas nous séparer car il y a déjà une foule de chances pour que nous soyons envoyés dans des lieux bien différent  et voila que nous nous retrouvons sans cesse.

   Cette  fois ci tu ne pourras pas dire que je suis mal photographié. N’est ce pas que je suis un vrai marsouin ? Qu’ en dis tu ?

    Adieu bien chère sœur, je t’embrasse bien tendrement   

Edouard Lanusse  7ème colonial  26ème  au Château Vert à Bordeaux


Poullens  ( Sommes) , le 12 juillet 1915

Bien chère sœur, je suis à présent aux environs de Doullens, passant  toujours les journées soit à faire de l’exercice, soit à faire des tranchées. Aujourd’hui j’ai lavé mon linge sale profitant d’un coin de pays ou il y avait de l’eau. Resterons-nous longtemps par ici ou changerons-nous encore de cantonnement ? Je n’en sais rien.  En attendant nous faisons semblant de nous reposer. Comme nous avons une superbe église nous tachons de faire  aussi de superbes cérémonies. Hier dimanche, jouait à l’orgue tout neuf un colonel maitre organiste, aussi il y a eu un joli trio de violon, de violoncelle accompagné par l’orgue. La musique des instruments est autrement enchanteresque que celle des balles et toutefois chacune a sa beauté particulière. Quand nous sera-t-il donné de nous réunir auprès de l’harmonium de Coublucq ?  Je t’embrasse affectueusement 

Edouard. L


Le 8 octobre 1915

Lettre à Joseph Lanusse curé de Coublucq

Bien cher frère, je viens de recevoir avant-hier après une longue terrible et sanglante lutte ta bonne lettre. Le plaisir  qu’elle m’a causé, je ne saurais te l’exprimer ; vous autres non plus, ceux de l’Ariège, vous ne sauriez croire le rayon de soleil qu’une missive venu du village chéri qui dort la bas au pied des Pyrénées vous jette dans le cœur mille fois meurtri des vues pitoyables mais toujours soutenu par le ciel bleu qui vous contemple de la haut. Laisses moi vite te dire tout d’abord de quelle protection m’a entourée la bonne Mère du ciel depuis le 25 septembre. Courir sus à l’ennemis qui veut vous arrêter par ses canons, ses mitrailleuses, ses fusils et ses grenades, voir ses camarades fauchés à coté de soit, descendre dans la tranchées boche, ramener des prisonniers à découvert et ne pas recevoir une égratignure, n’avoir pour tout souvenir qu’un bel éclat d’obus dans la musette. N’est ce pas que la protection du ciel est évidente ? Je serais heureux si tu m’envoyais la prophétie du curé d’Ars. Il est si doux de pouvoir se convaincre de toute façon que nos efforts ne seront pas inutiles, que bientôt la victoire aux ailes dorées planera sur nos drapeaux glorieux.

Vivent les souffrances quand elles ont pour but de sanctifier tout un peuple et chaque âme en particulier !

Je voudrais pouvoir te raconter beaucoup des choses mais je n’ose pas parce que je ne sais si elles tomberaient sous le coup de la censure. Excuses moi donc d’être si peu intéressant alors que je pourrais l’être.

Je m’arrête en t’embrassant toi et maman de tout mon cœur. 

Edouard .L

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 
 

2ème partie


Le 15 octobre 1915

Bien chère sœur,

    Reçu ta lettre m’annonçant ton installation dans ce nouveau poste d’Auriac. Mais combien as-tu d’élèves ? Remercies Dieu avec moi de m’avoir protégé d’une manière particulière de telle sorte que je n’ai reçu aucune égratignure. Et pourtant les projectiles ne manquaient pas. Pour l’instant je suis à peu près hors de danger mais je peux y retourner d’un moment à l’autre. Toute fois ne manque jamais de confiance en Marie, elle me rendra à la tendresse dans un temps espérons le qui n’est pas trop lointain. Je joints à cette lettre dans cette enveloppe une bague en aluminium faite avec la tête d’un obus allemand. Ce sera pour toi un souvenir de la guerre 1914.1915. Tu me diras si tu l’as reçu parce qu’il se pourrait fort bien qu’on l’enlève.

Je t’embrasse bien tendrement. Edouard Lanusse


Le 18 janvier 1916

Correspondance militaire

Carte postale

     Cette carte doit être remise au vaguemestre. Elle ne doit porter aucune indication du lieu d’envoi ni aucun renseignement sur les opérations militaires passées ou futures. S’il en était autrement elle ne serait pas transmise. Bien cher frère, merci des souhaits de fin d’année que je viens de recevoir de toi à l’instant même après une journée de labeur comme celles que nous passons maintenant, une parole, deux mots partant du cœur d’un frère sont un adoucissement à toutes les fatigues. Figures toi qu’il faut pivoter du matin au soir et sans rien bouloter. On préfère quand même ce régime à celui des tranchées, on peut jouir du moins du repos moral. Bientôt quand j’aurais plus de temps je te raconterai notre pérégrination de la Seine et Marne dans l’Oise.

Tout à toi Edouard


Le vendredi 3 février 1916

      Bien chère sœur Dans ma dernière carte, je te disais que j’étais sur le point de partir aux tranchées. Eh bien, je n’y suis pas encore mais je m’en suis bien approché. C’est à peine s’il y a neuf kms à vol d’oiseau d’ici aux lignes. Le canon s’entend distinctement et le soir on voit des éclairs des bouches à feu ainsi que des fusées. Toute fois il se peut que je ne les prenne pas encore les tranchées. En attendant je fais de l’exercice et surtout des jeux. Il faut bien courir en effet pour se réchauffer car il règne depuis quelques jours un vent glacial qui vous pénètre jusqu’aux os. Aujourd’hui en plus du vent nous avons la pluie, temps bien triste pour le soldat. C’est égal, le pays est plus joli par ici qu’en Champagne, du moins les villages ne sont pas construits en terre et les maisons ne portent pas de trop nombreuses traces d’obus. J’ai reçu un colis de Marie hier soir. Ca prouve qu’elle ne m’a pas oublié et que son mari est revenu un peu de sa mauvaise humeur contre moi, si seulement ce silence prolongé provenait d’une mauvaise humeur quelconque. Avant-hier j’ai participé à un match de football qui avait lieu entre les joueurs de mon bataillon et ceux d’un autre. La partie a été nulle avec tendance à être gagnée par nous. Hier j’ai joué pendant deux ou trois heures aux barres et au chat et à la sourie ; note que tous cela est obligé et que je le fais pas pour gaspiller mon temps libre. Tu risquerais autrement de me dire que j’ai beaucoup de temps pour écrire puisque j’en ai tant pour m’amuser

   . Adieu ma chère sœur, je t’embrasse de tout mon cœur. Edouard


Aux armées, le 6 février 1916

Soeurette,

      Je viens de lire ta lettre au coin du feu ou je m’étais assis après avoir poiroter durant toute l’après midi au milieu de la neige. C’est que j’ai du assister depuis 12h45 jusqu’à 17h à une séance de démonstration et comme de temps en temps il fallait garder l’immobilité pour écouter les explications, le froid faisait son office. Je ne monte pas encore la garde dans les tranchées cependant j’en suis toujours à portée ; je vais y travailler les nuits ce qui n’est pas amusant en cette saison bien que la lune soit brillante comme un soleil. Jamais de ma vie, ma petite moustache n’a si bien connu les glaçons qui s’y accrochent avec acharnement. Mes habits n’ont jamais été si bien couverts de gelée blanche alors que je les ai sur le dos. Mais comme tu dis très bien il faut supporter touts ces souffrances pour l’amour du bon Dieu et plaire au ciel qu’elles soient un contre poids suffisant à nos fautes. Heureusement que tu es la pour compléter la mesure et que le parfum des fleurs que tu fais respirer à Marie me fait beaucoup pardonner. Joseph doit il repasser devant le conseil de révision ? Quand sera-t-il visité ? S’il est déclaré apte pour le service, maman s’en viendra t’elle avec toi, ou restera t’elle pour garder le presbytère de Coublucq ?

    Je t’embrasse affectueusement Edouard Lanusse


Le 20 février 1916

Carte postale

Sœurette,

     je suis blessé mais pas bien gravement, deux blessures, l’une à la tête et l’autre à la nuque toutes deux par une balle explosive. Sans le casque, sans une protection toute spéciale elles auraient été mortelles car le crane à été légèrement effleuré mais j’ai toujours de la veine, moi c est au moment ou je balançais fort et ferme des grenades sur les boches qu’il m’est arrivé ce malencontreux accident. Je suis soigné pour l’instant par les dames de la Croix Rouge mais je ne resterais probablement pas longtemps dans cet hôpital, je risquerai d’être évacuer à l’intérieur. Qui sait ? Peut être du coté de Pau. Remercie le bon Dieu de m’avoir protégé.

    Je t’embrasse bien affectueusement . Edouard.L


Le 16 mars 1916

Bien chère sœur,

   Je viens de rejoindre mon régiment sans accident ni incident. Toutefois je n’irais dans les tranchées que demain au soir. Tu sais j’ai été cité encore une fois à l’ordre de la division. Je mettrais donc une deuxième étoile en argent sur le ruban de ma croix de guerre. Ne te fais pas de mauvais sang à mon sujet mais pris pour moi. Edouard.L, 7ème coloniale, 4ème compagnie, S.P 14


 Le 17 avril 1916

Carte de correspondance

Des armées de la république française

       Eh bien ! Comment ça marche ? Toujours bien n’est ce pas ? Est-ce que les violettes poussent par Auriac et le printemps brille t’il de tout son éclat ? Ici la vie est toujours la même, un peu monotone parfois un peu pénible. Que dirais tu si au mois de mai je m’en allais à saint Cyr suivre un cour d’élève officier ? Je suis préposé. Il en sera ce qui pourra.

    Je t’embrasse affectueusement. Edouard


Le 27 avril 1916

       Chère sœur, ta lettre que j’ai reçue avant-hier me dit que tu as passé tes vacances de Pâques avec Maman et Joseph, moi je les ai passées aux tranchées, mais aussi à présent que tu fais l’école et que tu te fâches de temps en temps avec tes gamins et tes gamines. Moi je me promène dans un petit mais assez joli patelin tout près du front mais assez loin cependant pour n’avoir rien à craindre des marmites. Je ne sais pas trop pour combien de temps je suis ainsi exempt de tranchées mais je suppose que si je vais à St Cyr comme je le crois, je n’irais plus de très longtemps de voir les boches et peut être ne les verrai je jamais plus du moins les armes à la main. Ce plan est si beau que je n’ose pas toutefois en espérer la complète réalisation. Patience, nous verrons ! J’ai toutes les raisons de croire en tous cas que j’irai aux environ de la capitale chercher les galons de sous lieutenant.

    Pris pour moi. Edouard qui t’embrasse affectueusement.


Aux tranchées le 6 aout 1916

Chère sœurette,

    Me voici au repos pour peut etre plus longtemps que je ne l’aurais cru. Ne te fais donc pas de mauvais sang pour ton petit frère. Il sera sage et prudent du moins autant qu’il le pourra et suivant le petit bouquet que tu auras mis pour moi devant la statue de Maman du Ciel Je suis parfaitement d’accord avec les officiers de ma compagnie. Le capitaine me considère comme un sous lieutenant, je fais popote avec lui et il me donne tous les jours des marques d’estime et de confiance que je trouve même quelques fois un peu exagérées. Enfin tout va pour le mieux du moins maintenant quand le régiment est au repos, je suis tranquille et il m’est possible de gouter quelques instants de tranquillité qui me font complètement oublier les quelques heures monotones de la vie en tranchée. J’ai pour mon compte personnel une ordonnance. Régulièrement je n’y ai pas droit, mais le capitaine a voulu que je l’eusse et j’ai été tres heureux d’accéder à ses désirs. Tous ces honneurs d’un rang supérieur au mien mais que je ne tarderai pas d’avoir avant longtemps, pèsent un peu sur ma petite bourse mais je crois que je joindrai cependant les deux bouts facilement même avec mon prêt sans avoir recours à la caisse du bon Charles ou du Pré Paillas. Je t’enverrai aussitôt que je pourrai ma photo d’aspirant que j’avais fais exécuter à Bordeaux avant mon départ. En la regardant tu prieras mieux le bon Dieu pour moi, je serais mieux protégé, du moins mon âme marchera mieux dans le chemin de la vertu et sortira victorieuse des embuches qui l’environnent.

   Je t’embrasse de tout mon cœur, Edouard . 7ème C, 6ème C , S14


Lundi 6 novembre 1916

Sœurette,

        J’ai reçu hier au soir ton aimable petite lettre et ton petit cadeau pour célébrer l’anniversaire de ma naissance. Je te remercie de penser ainsi à moi et il faut vraiment que tu m’aimes beaucoup pour ne laisser passer aucune occasion de me manifester ton souvenir. Amon tour je ne t’oubli pas, tu le verras des que je serai nommé sous lieutenant. Mais c’est curieux, ma nomination tarde beaucoup a sortir. Enfin patience.

Si cela peut t’intéresser, dimanche prochain je vais livrer un combat avec mon équipe de football contre celle d’ un régiment d artillerie qui est venu nous provoquer. J’espère que nous serons vainqueur étant habitué à la victoire mais si nous sommes battus nous n’en serons pas plus triste pour cela parce que la victoire restera toujours aux français. Pour l’honneur du bataillon je voudrais cependant rouler nos adversaires. On verra.

  Je viens *au moment ou je t’écris de ramasser une belle douche de pluie. J’étais parti ce matin reconnaitre de bon heure un terrain ou je pourrais faire faire  à mes grenadiers des exercices de lancement et le mauvais temps n’a eut garde de m’en laisser  retourner sans déverser sur moi sa mauvaise humeur. Je me suis passablement mouillé bien que j’eusse mon imperméable. Je suis en effet chargé d’instruire les grenadiers du bataillon. C est une tâche assez difficile et assez dangereuse des accidents très graves arrivant parfois soit à cause d’une grenade mal confectionnée soit à cause de la maladresse du lanceur. Mais il faut quelqu’un et on m’a choisi. Je ferai de mon mieux et le reste à la grâce de Dieu.

  J’ai écris hier pour la première fois à ma marraine qui s’appelle mademoiselle Bénites d’Avila. J’attends sa réponse  qui peut être n’arrivera pas tout de suite. Le courrier postal ayant souvent beaucoup de retard. Je te dirai ce qu’elle m’a écrit.

C’est tout pour le moment, je t’embrasse bien fort

Edouard


Le 10 novembre 1016

Carte de correspondance

Des armées de la république française

Bien cher frère,

Je viens d’être nommé sous lieutenant à dater du 3 novembre, Tu arroseras mon galon lorsque je viendrai en permission.

Edouard


Carte de correspondance

Des armées de la république française

Bien chère sœur,

Tu mettras un beau bouquet devant celle qui me protège et me favorise. Je viens d’être nommé sous lieutenant à dater du 3 novembre.

Edouard


Le 29 novembre 1916

Bien chère sœur,

       Je viens de t’envoyer par mandat carte la somme de deux cents francs pour que tu t’achète une bicyclette. J’espère que tu les recevras sans tarder. Avertis moi des que tu les auras reçus .

 Je t’embrasse affectueusement

Edouard Lanusse


Le 17 décembre 1916

Chère sœur,

  He bien,  as tu acheté la bicyclette ? Joseph vient de m’écrire  que tu en a ajourné l’ achat . Pourquoi ? Ne crois pas que je regrette les deux cents francs au moins. Si j’ ai dis à Joseph d’attendre pour son calice, c’est que je ne puis faire tous les cadeaux d’un coup. Il se peux que j’ai besoin de l’argent que je lui ai confié, mais toi tu peux t’acheter la bicyclette.

Que fais tu que tu ne m’écris plus ? Est-ce moi qui suis en retard ou toi. Les fêtes de la Noel approchent et je vais les passer en première ligne surement. J’aurai le bonheur quand même j’espère d’assister à la messe de minuit dans quelque sape à quelques mètres des boches. Quand au jour de l’an, il est probable que je le passerai à tes coté ou en voyage. Ma permission approche. Tu me feras un bon feu car j’ai rudement froid aux pieds.

  Tu présenteras mes hommages respectueux  à Monsieur le Doyen de Thèze.  Tu lui diras que j’irai le voir bientôt. En attendant qu’il prie pour moi.

Je t’embrasse affectueusement .         Edouard.L


Aux armées, le 18 mars 1917

Bien chère soeur,

Toujours en bonne santé A la tête  d'une compagnie, je poursuis les boches l'épée dans les reins

Je  t'embrasse Edouard


Aux armées, le 20 avril 1917

Bien chère sœur,

      J’ai reçu hier  seulement ta lettre du 2 avril. Tu vois que tes missives ne se hâtent pas de venir. Si les miennes agissent de même tu dois pester rudement contre ma paresse. Je suis bientôt guéri,  j’espère donc rejoindre mon corps avant qu’il soit longtemps et si les permissions ne sont pas supprimées, mon tour ne doit pas etre loin, ou plutôt il doit déjà être arrivé.

    Je m’ennuie à l’ambulance et je tache de lutter contre cet ennui en chantant toute la journée sans grands égards pour les oreilles de mes camarades qui cependant n’ont pas trop l’air d’être incommodés. Depuis cinq ou six jours il fait un temps détestable mais ce matin le soleil s’est levé radieux. Aussi va-t-il éclairer une belle victoire française dans cette Champagne d’où j’ai gardé tant de souvenirs.

   Plaise à Dieu que la nouvelle Jeanne d’Arc nous apporte la victoire et nous ramène ainsi dans nos foyers. En attendant pries pour ton frère qui  t aime beaucoup mais pris plutôt  pour son âme que pour le salut de son corps.

   Tu dois savoir, à présent je suppose monter merveilleusement à bicyclette.

  Je t’embrasse affectueusement et de tour mon cœur

Edouard  Lanusse   S.P 172


Aux armées, le 21 mai 1917

Sœurette,

      Je viens de recevoir ta lettre du 16 mai. Sans doute tu as du recevoir  ma lettre du 10 le 14 et  par conséquent tu dois être hors d’inquiétude sur mon sort. Je suis toujours au repos mais dans une région ou je n’avais  été ou tout n’est que verdure ou les habitants sont gentils, ou on oublie facilement que l’on est en guerre. Je suis toujours commandant de compagnie et il me tarde d’être relevé de mes fonctions car mes loisirs sont rares et puis ma permission n’arrive pas. J’ai  une telle envie de passer sept jours tranquille que je donnerais bien la moitié de mon petit pécule pour pouvoir partir aujourd’hui.  Ma patience est à bout et si l’on ne me donne pas bientôt mon congé,  je me laisse aller au découragement. Hier, fête de Jeanne d’Arc, a eu lieu dans la jolie église du village une belle cérémonie. Comme d’habitude, j’ai organisé le chant et tout à très bien réussi. Dimanche aura lieu la première communion. Si je suis encore ici, de concert avec les jeunes filles je préparerai une belle messe. L’aumonier  divisionnaire est venu s’installer avec notre bataillon et il fait popote avec moi. Il habite la chambre au dessus de la mienne ce qui nous permet quand la soif nous oppresse de boire un bon coup ensemble. Tu me diras dans ta prochaine lettre si maman est partie à Arros et si Joseph a rejoint un dépôt quelconque. 

 Tout à toi. Bons baisers.     Edouard


Nice, le 30 mai 1917

Carte postal de Louise Bénitez d’Avila

Marraine de guerre et fiancée d’Edouard

      à Julie Lanusse

       Ma grande sœur Julie,  je puis vous appeler ainsi depuis dimanche dernier, jour de mes fiançailles avec  votre petit frère Eddy. Sans vous connaitre je vous aime déjà beaucoup parce qu’il me semble que vous aussi vous aimez votre nouvelle petite sœur. J’ai bien hâte de recevoir de vos nouvelles pour faire plus ample connaissance avec vous. Je vous embrasse bien affectueusement.

Louise


Nice, le 31 mai 1917

   Sœurette,

     Ta nouvelle petite sœur t’a écrit hier  une carte. J’’espère que tu seras gentille avec elle comme tu l’es toujours avec moi et que tu l’aimeras comme tu ‘aimes. Je suis absolument décidé au mariage car je veux rester dans l’armée et faire carrière dans l’armée coloniale.

   Je m’étonne que tu ne m’ais pas envoyé la somme que je te demandais samedi dernier et que maman t’aurait remboursée puisque c’est exactement ce que contient la petite  caisse qu’elle me garde. J’ai besoin de cet argent pour payer la bague de fiançaille et je voudrais bien le recevoir aujourd’hui. J’attends tous les jours le courrier avec impatience mais il ne m’apporte rien. Je passe les journées à faire des visites avec Madame d’Avila et ma fiancée. Je suis enchanté par les relations qu’elles ont toutes deux. Mr et Mme Durandy, député des alpes maritimes nous ont très bien reçus et m’ont félicité sur mon choix. Hier soir nous étions invité à diner chez Mr de Haga Haig  mais je ne veux pas te faire un éloge exagéré de tout ce qui touche Louise  d’Avila parce que tu croirais que je suis aveuglé par l’amour.

  Je t’embrasse affectueusement.

    Edouard Lanusse

21  rue st philippe  chez Mr  Ripert  Nice


Aux armées, le 5 juin 1917

     Sœurette,

      Je te demande pardon pour toute la peine que je t’ai causée, d’abord en ne venant pas te voir durant ma permission ; ensuite en te demandant de l’argent, chose qui t’a fait croire à des dépenses criminelles de ma part. Pour la première  de ces choses, j’ai eu tort mais j’étais tellement amoureux de cette jeune fille, sept jours c est si court que je suis un peu excusable de cette sottise la. Quand à la deuxième chose, si je t’ai demandé de l’argent c’est que ne sachant pas ou était Joseph et te sachant près d’un bureau de poste, j’ai cru bien faire en agissant ainsi. Je n’aurais pas demandé cette somme si je n’avais su l’avoir en réserve  dans le tiroir de maman. Que veux tu puisque je me suis fiancé, je devais bien acheter une bague et une bague ne se paie pas avec de la monnaie de bronze. Je n’ai d’ailleurs rien reçu de toi qu’une lettre désespérée ou tu m’exprimais une assez triste opinion de moi. A mon retour au corps, ayant trouvé une lettre de Joseph, je lui ai écrit afin qu’il m’envoie tout de suite la somme demandée parce que je n’aime pas rester avec des dettes sue la conscience.  Veille  je te prie à ce qu’il me l’envoie au plus vite, dorénavant je serai plus sage.

        Ne te fais pas de mauvais sang sur ton frérot. Il fait des sottises qu’il paie cher mais il t’aime beaucoup ainsi que maman et Joseph. Donnes moi de tes conseils et je deviendrais plus sérieux si tu ne me trouves pas sérieux.

Je t’embrasse      Edouard .L


Le 7 juin 1917

    Sœurette,

        Deux mots pour te dire que j’ai repris avec entrain mon service et te demande si tu as écrit à ma fiancée. Je t’en prie soit aimable avec ma petite Loute. Regardes la  comme une véritable sœur. Quand tu  connaitras son cœur tu verras qu’elle mérite ton estime. Ma future belle mère est aussi  une personne des plus estimables que l’adversité a éprouvée puisque du rang de Marquise elle a du descendre à celui d’une honnête bourgeoise. Elle a un talent de peintre. J’ai vu de ces tableaux, d’après les connaisseurs ce sont des chefs d’œuvre.

     Je t’embrasse affectueusement   Edouard  ton frérot qui t’aime bien


Le 20 juin 1917

   Sœurette,

        Oui je suis de ton avis. Epouser au plus vite Louise d’Avila. Seulement je suis obligé d’attendre la fin juillet pour refaire mon épargne et encore cet épargne ne pourra être refaite que si maman m’envoie les six cents francs que je lui ai demandés sur les sept cent francs que je lui ai confiés. De grâce, qu’on m’envoie cet argent ! Je suis sans le sou, j’ai six cents francs de dettes à Nice, somme que j’ai promis de payer ce mois ci et chez moi on refuse de m’envoyer ce qui m’appartient. Que je manque à ma parole, que je me fasse du mauvais sang tous les jours, que je ne puisse plus compter sur mon porte monnaie ils trouvent ça naturel chez moi ! Eh bien j’en ai assez ! On me promet de garder mon épargne de me l’envoyer quand j’en aurais besoin et quand ce moment la est venu on me répond qu’on n’a pas d’argent. Oh c’en est trop ! Si je n’ai pas les six cents francs que je réclame cette fin de mois, malheur à Joseph , malheur à moi

Edouard