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Edouard Lanusse Médebielle

. Edouard Lanusse Médebielle, première partie: Les origines

En 1974 une certaine mademoiselle Julie Lanusse célibataire décède à Arros dans sa demeure familiale, une ancienne ferme au croisement du chemin du carrerot et de la grande route de Nay à Pau, les plus anciens se souviennent peut être encore de l’institutrice et directrice de l’école libre qu’ils ont fréquentée jadis jusqu’à sa retraite au début des années 50. Elle est née en 1891 à Arros , elle est la dernière encore vivante des enfants du couple Lanusse Médebielle et la sœur ainée d’Edouard né deux ans après elle. Julie et Edouard sont les deux derniers enfants de Pierre Lanusse d’Arros et Catherine Cassoudessalle de saint Abit. Du couple, avant eux sont nés sept autres enfants issus de leur mariage en 1871 à Arros mais quatre autres seulement atteignent l’âge adulte. L’ainé, c’est Jean, né en 1873 à Arros et si ce n’est de son mariage avec Amanda Revy une veuve originaire des Ardennes à Gujan Mestras en Gironde en 1901 il n’y a aucune mention de lui dans les archives familiales. Il décède en 1906 et Amanda , sa veuve, gardera des contacts avec ses belles sœurs d’Arros. L’ainée des filles se prénomme Marie Clémence, elle est mariée avec Jean Sylvain Lembeye le dernier né d’une ancienne famille originaire de Bosdarros et qui peu après leur mariage émigreront pour Buenos Aires en Argentine. Julie et Clémence garderont le contact toute leur vie, s’échangeant lettres  et colis mais aussi les photos des nouveaux membres de la famille qui s’agrandissait outre atlantique. Ils invitèrent même Julie à les rejoindre au moment de sa retraite, proposition qu’elle déclina. La dernière des sœurs explique la présence de ma famille dans la maison Lanusse au village, n’est autre que mon arrière grand-mère de son prénom Marie Firmaine. Elle est mariée à Pierre Palette, cordonnier de son métier et ont vécu dans la maison dite Palette chemin Miramont là même ou Marcelle leur fille rencontrera Raymond son futur mari alors jeune maçon effectuant pour son oncle Bordenave artisan de Pardies Pietat des travaux dans la maison qui appartient encore aujourd’hui à leurs descendants. Tous les deux meurent jeunes, laissant quatre enfants encore mineurs dont ma grand-mère Marcelle. La présence des Palette à Arros est remarquable dans sa longévité, le plus ancien aieul attesté est contemporain d’Henry IV ce qui fait de lui un des premiers arrosiens enregistrés habitant déjà le village en 1610 d’après les actes de naissance protestants de la ville de nay. Mais çà c’est une autre histoire que celle de la famille Palette qui mérite bien un chapitre pour y raconter plusieurs siècles de présence dans la communauté d’Arros. Puis c’est Pierre Joseph, ordonné prêtre  après ses étude au grand séminaire de Bayonne, il est pour son premier poste nommé à Nay  professeur au college saint Joseph en 1908 avant de rejoindre deux ans plus tard la paroisse de Coublucq, petit village près d’Arzacq de cent quatre vingt âmes qu’il servira jusqu’à son décès. Joseph est ramené à Arros pour y être enterré dans l’ancien cimetière près de l’église avant d’être transféré dans le nouveau en 1970 par sa sœur. Catherine, sa mère est déjà veuve quand Joseph s’installe au presbytère de Coublucq un très bel édifice du 18ème siècle ou elle restera à ses cotés jusqu’à sa mort en 1930. Dans la fratrie, Julie, l’institutrice est la dernière des filles, elle a été confiée aux sœurs de la Croix d’Igon très jeune par sa mère veuve ne pouvant certainement plus subvenir à ses besoins ni à son l’éducation. Catherine signe en 1902 un contrat avec l’institution religieuse qui l’oblige à rester dans l’établissement plusieurs années en échange de la gratuité de la pension et des études. Julie choisit d’être institutrice de l’ordre des filles de la Croix et malgré sa piété elle ne poursuivra pas dans la voie religieuse comme novice à Igon. Durant sa carrière et selon les besoins de l’évéché elle fait la classe dans plusieurs communes du département aux plus démunis souvent suivant les principes des filles de la Croix, enseignant outre l’écriture, la lecture et le calcul mais encore la broderie, la morale mais aussi les règles de savoir vivre, d’hygiène et de tenue de maison pour les jeunes filles et surtout dans un esprit surement très antirépublicain. C’est à Dognen, un village près de Navarrenx qu’elle commence sa carrière à vingt et un ans, deux ans plus tard elle est à Auriac près de Theze puis ce sera Garlin dans les années vingt ou elle est directrice de l’école libre avant enfin prendre possession de l’école libre d’Arros jusqu’à sa fermeture en 1952. A la mort de joseph , Julie retourne vivre dans la maison familiale inhabitée depuis des décennies que l’on aperçoit juste de l’autre coté de l’Avenue depuis l’école libre et qu’elle avait quittée très jeune. Julie est la dernière enfant de Pierre et Catherine encore vivante. Jusqu’au début des années quarante Joseph s’était chargé d’entretenir la maison et le jardin comme il l’ avait promis à sa mère aussi en juin 1940, elle est nettement saccagée suite au cantonnement de quatre vingt soldats par la réquisition des bâtiments par l’’armée française. (La maison avait déjà été vandalisée pendant le premier conflit mondial cette fois par des locaux surement ) Il fait à l’occasion un inventaire à la « Prévert » des dommages et vols dans une lettre au préfet datée du 20 aout 1940. Désormais rien ne changera plus dans la maison Lanusse, Julie y vivra encore vingt ans au milieu des livres et autres objets de Joseph, du linge de famille brodé par ses soins, ses dessins mais surtout dans le souvenir d’Edouard dit Eddy, son petit frère bien aimé, disparu trop tôt duquel elle a conservé toutes les lettres qu’il lui avait écrites qui allaient me permettre de retracer les grandes lignes de sa courte mais combien riche existence. Quelques années durant lesquelles le jeune homme a vécu le parcours et la destinée digne d’un héro d’épopée romanesque. Ceci est son histoire…..(à suivre)

Catherine Cassoudesalle

Catherine Cassoudesalle vers 1895

(mon arrière arrière grand-mère)

 

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Les enfants Lanusse Médebielle vers 1895

 

Img 0024Clémence et sylvain Lembeye en 1906

 

028Julie Lanusse et sa mère en 1905

 

025Julie Lanusse Médebielle

 

 

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Edouard au college à Irun en 1907

 

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Edouard Lanusse en Belgique (1908)

 

IgonJulie au pensionnat d'Igon

 

Château de Lesves Château de Lesves

 

Bethleem residence

Résidence de Béthleem


 

Edouard lanusse Médebielle, deuxième partie

        Pierre Edouard Lanusse est né le premier novembre 1893 à Arros dans la maison de ses parents. Pierre, son père a quarante six ans, il est cultivateur de tabac entre autre et aussi vendeur d’équidés comme l'attestent  les certificats d’insémination faits aux haras de Gelos et ses  carnets de vente conservés dans les papiers de famille. Plusieurs familles d’Arros et des villages  voisins font parties de ses ancêtres  depuis le 17ème siècle, son grand père avait fait construire la ferme telle qu’on peut la voir aujourd’hui, en 1823, prenant  place sur les ruines d’anciennes  constructions  démolies à l’occasion. Catherine n’est plus très jeune quand Edouard vient au  monde, elle a quarante quatre ans et a déjà perdu cinq enfants en bas âge. Elle est originaire de saint Abit ou il est attesté de l’existence  des  Cassoudesalle parmi les vingt six familles du premier recensement des feux du Béarn à la fin du 14ème siècle. A la mort de son mari, les enfants encore très jeunes sont placés dans des institutions religieuses,  Julie ira à Igon , quand au jeune Edouard ce sera pour lui les Pères de Bétharram et à partir de 1906 c’est en Espagne à Irun puis en belgique à l'école internationnale installée dans le chateau de Lesves dès 1908 ou il a comme professeur le père François Carrere originaire de Saint Abit, qu’il poursuit brillamment ses études de collégien à une période très contreversée pour les congrégations en ces temps d’anticléricalisme du début du 20ème siècle. Il participe à des concours nationaux dans lequels il se classe dans les dix premiers dans au moins deux matières. D’après les ouvrages de sa bibliothèque, la littérature, la philosophie,  le  latin et le grec sont les matières qu’il présenta aux épreuves du baccalauréat en juin 1913 et même s’il regrette de n’avoir pas eut de mention il obtient ce diplôme qui à cette époque n’est obtenu que par deux pour cent d’une classe d’âge et encore moins dans les milieux modestes et ruraux.  Ses études secondaires  terminées, son destin est fixé, Edouard veut poursuivre ses études dans les pas de son frère prêtre, il entre donc dans la famille spirituelle des prêtres du Sacré Cœur de Bétharram et va faire son noviciat d’abord en Terre Sainte. Le noviciat des Pères de Bétharram ayant été transféré en Palestine à Bethleem  depuis leur expulsion de France quelques années plus tôt. En 1903 La France avait fait voter des lois visant à restreindre l’activité des congrégations religieuses, Bétharram est donc amené à fonder de nouvelles résidences pour ses étudiants et ses prêtres retraités, d’abord en Espagne et en Belgique puis en Italie et le Paraguay.   Dès les premiers jours de juillet Edouard prend le chemin de la Terre Sainte sans profiter de ses vacances estivales, il rejoint dans un premier temps par le rail le nord de la France et traverse  la frontière pour la Belgique. Le novice sera hébergé pendant son  séjour  dans le petit château de Lesve du diocèse de Namur là même ou il avait fait  toutes ses études, une résidence  de refuge de la congrégation  depuis  son expulsion, avant d’embarquer d’Anvers probablement sur un paquebot en partance pour le proche orient via le Portugal  ou il fait une halte et puis Alexandrie. C’est après un voyage d’une dizaine de jours que le Jeune Edouard aperçoit enfin la Terre promise et le port de Jaffa dans la banlieue de Tel Aviv, la porte de l’orient pour les occidentaux depuis l’antiquité. Le transfert vers Bethleem se fera d’abord par la toute nouvelle et première ligne de chemin de fer reliant Tel Aviv  et Jérusalem éloignés d’une soixantaine de kilomètres pour  arriver enfin à sa destination finale, la ville de David à huit kilomètres au sud de Jérusalem qu’il fait surement  soit à pied ou à dos de chameau. La résidence des prêtres de Bétharram est un bâtiment grandiose qui fascine le jeune novice  non loin des sœurs du Carmel  qui par leur bienfaitrice Mme de Saint Cricq d' Artigaux ont financé sa construction  quelques années auparavant. Les Pères font office d’aumonier du Carmel mais aussi acte de charité. Il y retrouve des étudiants du collège de Betharram et peut enfin commencer sa première année de noviciat. C’est un temps d’étude et d’initiation à la  vie religieuse avant peut être qu’il arrive à une  décision en ce qui concerne l’appel ressenti à suivre le Christ sur la voie des conseils évangéliques. Pendant son séjour il en profite pour visiter les lieux saints et en particulier Jérusalem dont il en fait les plans très détaillés et donne toute les descriptions dans une lettre qu’il envoie à sa sœur Julie. Edouard prononce ses voeux temporaires le 21 septembre et doit quitter Bethleem pour rejoindre au nord la ville de Nazareth pour y poursuivre pendant deux ans son apprentissage spirituel.  Il fait alors le descriptif  de son voyage à travers la Palestine dont on peut en lire ci contre l 'intégralité.  Après une année passée et obtenu à ses vingt ans un sursis aux obligations militaires en tant qu’étudiant, la guerre éclate en Europe à l’été 1914. Les premiers combats font rages du coté de Lesves, le château est transformé en hôpital et le Père Carrère se fait bouclier humain devant l'avancée allemande en Belgique.  Après la mobilisation générale, les sursis sont annulés suivant l’article 21 et Edouard doit rejoindre ceux de sa classe dans le délais de douze  jours accordé en rapport à son éloignement. Le 15 octobre il est appelé à l’activité mais il manque à l’appel. Un avis de recherche par la gendarmerie de Nay est adressé  à la mairie d’ Arros et pourtant Edouard ne donne pas suite à l’appel de la France . La Palestine est encore sous domination turc à cette époque et malgré ces relations avec l’Allemagne  l’empire ottoman n’est pas encore rentré dans le conflit. Le 30 octobre la France déclare la guerre à la Turquie après que cette dernière ait coulé un paquebot humanitaire en mer noir et le 2 novembre le consul de  France, protecteur des chrétiens, quitte la Palestine. Dorénavant l’ordre d’expulsion est donné aux français. De nombreux bateaux quittent la Palestine vers la France et le port de Marseille cependant c’est en Italie que l’on retrouve Edouard en décembre toujours aussi peu enthousiaste à l’idée de rentrer au pays et la guerre. Il en profite de visiter le Vatican  et Rome pendant trois semaines y étant hébergé par des pères de Bétharram au siège de la congrégation. Il  ne donne pas de nouvelles de sa présence  à Rome et il faut attendre son arrivé à Irun  début  janvier pour qu’il se manifeste enfin. C’est par la mer qu’il se rend en Espagne évitant le territoire français ou il est déclaré comme insoumis par l’administration militaire dès le 16 janvier 1915. Le 11 janvier  il se trouve tout près de la frontière dans la résidence  « buena vista » que la congrégation loue pour l’accueil des religieux retraités  expulsés. Dans un premier temps il semble ne pas vouloir quitter son refuge de si tôt et pour cela il donne son adresse et salut sa sœur sans savoir s’il pourra la revoir sous peu. La guerre fait rage sur le front et le jeune homme de 20 ans peut apercevoir son pays pour la première fois depuis 18 mois sans pouvoir s’y rendre sous peine d’être arrêté voire même emprisonné. Et puis pourquoi se battre et mourir, peut être, pour une république qui  a tant fait de mal aux Pères ? Il pourrait s’exiler pour  finir ses études en émigrant vers l’Amérique du sud ou de nouvelles résidences on été créé, malgré le risque de ne  plus revoir sa famille pour longtemps sans parler de la honte au village qui retombera sur elle avec un fils insoumis pendant que tant d’ autres meurent chaque jour. C’est une bien pénible situation pour Edouard et les liens familiaux sont plus forts que tout, sa mère, Joseph et Julie  lui manquent surement, aussi sur leurs prières et apres avoir pris conseil aupres d' un certain Torillas, une relation depuis la france qui s 'est occupé de faire les démarches pour son retour, il se décide de  traverser la Bidassoa et se fait arrêter par la gendarmerie  le 2 février puis passe quelques jours en prison avant de  faire l’objet d’un refus d’informer le 7 rendu par le Général Commandant de la 18ème région  militaire et d’une procédure d’amnistie. A compter de ce jour il est incorporé  au 7ème régiment d’infanterie colonial et arrive au corps à la caserne Xaintrailles à Bordeaux. (à suivre)
 

Edouard Lanusse Medebielle 3eme partie: La guerre

       Au moment ou Edouard fait ses premières classes sous les drapeaux, le régiment du 7ème colonial est déjà sur le front après son départ de Bordeaux dans l’allégresse générale au passage des trois bataillons en ordre de marche se rendant vers la gare le 7 aout 1914 soit cinq jours après la mobilisation. Le 21 au soir c’est la frontière belge et le 7ème entend les premiers coups de canon au loin. Le lendemain il engage le combat à saint Vincent en Belgique en infériorité numérique mais il tient ses positions jusqu’au soir avec le repli des allemands. Le colonel Mazillier reçoit une citation pour le régiment qui a entièrement accompli sa mission non sans difficulté puisque pour ce seul jour il a perdu 38 officiers et 1500 hommes, blessés, tués ou disparus, soit la moitié de son effectif. Ce dit jour sera pour le 7ème le plus meurtrier de tout le conflit et cela, des son premier combat pendant la bataille des frontières ou la division coloniale française est quasiment détruite. L’ordre de repli est donné jusqu’au 6 septembre et la bataille de la Marne ou les allemands sont repoussés. Les marsouins du 7ème colonial s’enterrent, c’est le début de la guerre des tranchées. L’hiver est froid et pluvieux mais plutôt calme sur le front jusqu’au 15 mai ou la tranchée française et enseveli par l’explosion de trois mines dans les galeries creusées par les boches. 500 hommes sont engloutis ce jour là. Quatre d’entre eux réussissent à s’extirper et ont tenté de rejoindre le bataillon seront pourtant fusillés pour abandon de poste le 29 mai. Grace à son engagement tardif Edouard a évité le massacre en Belgique, il poursuit sa formation et profite même de permissions des le premier mois de son incorporation pour rendre visite à sa famille qu’il n’avait plus vu depuis son départ en terre sainte ou peut être à son retour en France avant son arrestation. Comme beaucoup de prêtres et séminaristes pendant la grande guerre il est affecté à une section d’infirmiers, il fait ses classes à la 8ème section, s’entrainant au tir au camp de Luchey et voit même la perspective de se retrouver sur le front s’éloigner avec une possible affectation en tant qu’instructeur à Bordeaux. Début mai, il est nommé caporal puis pressenti comme futur sergent et chef d’escouade dans le cas ou il aurait à rejoindre le front qui manque d’hommes après les lourdes pertes suite à l’explosion des fourneaux de mines. Courant juin 1915 Edouard quitte le confort du château du Chêne Vert pour le Pas de Calais et la région d’Arras. Dorénavant la vie d’Edouard et l’histoire du 7ème colonial seront entremelés à tous jamais. Durant l’été le régiment est déplacé plusieurs fois entre l’Oise et la Somme en camion et par chemin de fer jusqu’au 25 juillet ou il retrouve la Champagne et la région de Ville sur Tourbe, la même ou au mois de mai deux compagnies avaient disparues sous les mines allemandes, ce qui n’égaie pas les poilus. Les deux mois qui suivent sont consacrés à l’exercice et la préparation du futur champ de bataille c'est-à-dire encore et toujours creuser des tranchées. Le 7ème est en première ligne après avoir relevé le 3ème au moment de l’attaque du 25 septembre et le début de la bataille de Champagne. A 9h15 le régiment bondit hors de la tranchée 22, le caporal Lanusse à la tête de son escouade traverse le no man’s land et aborde les réseaux ennemis sous les bombes de l’artillerie et des tirs de mitrailleuses allemandes. Les pertes sont très élevées mais les coloniaux conservent le terrain acquit malgré la contre attaque allemande. Le 9 octobre le régiment est relevé, il a perdu le commandant du bataillon d’Edouard qui vient de passer son baptême du feu sans aucune blessure là ou bon nombre de ses camarades sont tombés. Il reçoit à l’occasion sa première étoile sur la croix de guerre, une distinction du à son attitude pendant l’opération. Le régiment cantonne dans le secteur avant d’être envoyé au grand repos le 26 novembre d’abord non loin du théatre des derniers combats puis près de Meaux en Seine et Marne. Edouard profite de ce moment de repos rêvé mais qui malheureusement ne dure pas car des le 6 janvier, c’est le départ vers le camp de crève cœur. La période est toute d’instruction et le caporal Lanusse participe aux manœuvres sous la haute autorité du général Pétain. Le 30 janvier le 7ème est transporter à Frise sur la ligne de front de la future bataille de la Somme et dans la nuit du 11 au 12 février il prend position sur le canal de la Somme. Le temps et très mauvais, les marsouins sont enlisés dans la boue pour rejoindre la tranchée sous un bombardement très violent. L’objectif de la manœuvre est de reprendre le bois de la vache pris par les allemands et de se porter à l’alignement des anciennes positions. A 17h 30 le 13, les bataillons du 7ème attaquent les tranchées et l’ennemi résiste désespérément et d’un seul bond il se trouve dans la tranchée et fait prisonnier deux compagnies qui abandonnent le combat. C’est une action d’éclat de plus à son actif pour le 7ème mais cette fois la chance a quelque peu laché du moins partiellement Edouard qui reçoit deux éclats de balle au niveau de la tête. Il est évacué vers l’arrière et soigné pendant un mois à l’ambulance de la Croix Rouge sans pouvoir être renvoyer dans sa région en convalescence à son grand regret. Il se consolera en accrochant une deuxième étoile à sa Croix pour une deuxième citation à l’ordre de la division.

              « Le caporal Lanusse au 7ème colonial ; soldat très courageux et calme, s’est mis lui-même à la tête des grenadiers pour faire le coup de feu, a été grièvement blessé à la tête. »

    A son retour au corps Edouard travaille activement au renforcement du front en prévision de la grande bataille de la Somme qui se prépare quand la nouvelle tombe. Il est proposé à suivre les cours d’élève officier à saint Cyr au mois de mai et s’éloigner un moment voire définitivement des tranchées. Il est désigné par le colonel en fonction de son niveau d’instruction. Tous les deux mois un soldat était retiré du front et envoyé à saint Cyr pour suivre une période de formation des aspirants d’infanterie de quatre mois. Edouard a surement apprécié dès son incorporation à l’école le niveau intellectuel et social bien supérieur à la moyenne des troupes ainsi que casernement et la nourriture. La formation est difficile physiquement mais la perspective d’être bientôt sous lieutenant doit être très agréable après avoir traversé des périodes si pénibles. Les matinées sont consacrées aux exercices théoriques et pratiques ainsi qu’à des séances de gymnastiques et se familiariser avec le fonctionnement de toutes les armes utilisées dans les tranchées. Les après midis, il pratique le service en campagne et de longues marches avec une fois par semaine des marches et exercices de nuit. Pour chaque exercice et à tour de rôle, les élèves prennent le commandement de la compagnie. Sa formation terminer l’Aspirant Lanusse passe par le siège du 7ème à Bordeaux avant de retrouver son unité avec tous les avantages de son nouveau grade. Une fois encore la chance est de son coté car pendant son absence le 7ème a beaucoup souffert pendant la bataille de la Somme. Le chef du régiment et ses adjoints ont été tué avec les commandant des deux bataillons et le 12 juillet le 2ème bataillon, celui d’Edouard, perd presque tous ses officiers. Edouard n’est pas encore nommé sous lieutenant mais profite déjà de l’attention de ses supérieurs le considérant déjà comme un cadre jusqu’ à lui donner un soldat comme domestique appelé ordonnance, un privilège d’officiers. Le régiment est relevé le 8 aout puis transporté en Normandie ensuite le 14 dans l’Oise pour un repos bien mérité. Le 25 aout c’est à nouveau la Champagne dans un secteur plutôt calme excepté un coup de main de grande envergure des allemands au moyen de troupes spéciales qui se termine par une grande résistance et un échec. Relevé le 7 octobre, le régiment est débarqué à la fin du mois dans la région de saint Maur. Edouard est enfin nommé sous lieutenant le 3 novembre, il est à la tête d’une section d’une soixantaine de combattants. C’est pendant cette période qu’il débute une correspondance avec une « marraine de guerre », une certaine Louise Bénitez d’Avila de Nice. Les marraines en général répondent aux petites annonces que les soldats postent dans les journaux mais pour les officiers le « filleul » est en principe choisi avec l’accord du commandant de l’unité. Le novice entretient une relation avec une jeune femme célibataire d’une famille d’un niveau social plus élevé que le sien. Peut être est ce là un autre privilège d’officier .(à suivre)

   

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Edouard Lanusse Médebielle

 

 

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Louise

    Louise Benitez d'Avila en 1917

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Louise

 

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    Une pensée de 100 ans d'âge


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              Articles de la presse régionnale


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Edouard Lanusse Médebielle (La fin d'une belle histoire)

Edouard profite alors d’une permission pour se rendre à Nice et rencontrer sa Marraine et sa famille et tombe sous le charme de cette jeune fille de la haute aristocratie espagnole en exil. Il fait alors à l’occasion de ce séjour la connaissance d’un monde nouveau pour lui, le jeune fils de paysan béarnais depuis tout jeune pris dans un univers tout religieux, ainsi il est présenté lors de diners au député et des militaires de hauts rangs avec lesquelles surement les conversations sur les opportunité pour un jeune brillant et ambitieux lui font envisager maintenant la possibilité de poursuivre une carrière militaire à la fin du conflit dans la coloniale. La guerre a fait changé le novice mais peut être aussi la belle Louise avec qui il se fiance rapidement. Edouard est très épris de la jeune femme et veut la présenter au plus tôt à sa sœur bien aimée espérant quelle comprendra sa démarche. Il s’en retourne sur le front avec son unité et se sent quelque peu abandonné par les siens, déçus surement par ses décisions tres hâtives concernant son mariage. Edouard a laissé aussi quelques dettes à Nice avec l'achat d'une bague de fiançailles et compte sur un petit pécule qu’il a laissé à sa mère en partant ainsi que sa solde pour refaire son épargne et repousse donc l’idée du mariage pour aprés la fin du mois de juillet. Jusqu’au dix mai son régiment est alors au repos en hautes Saône puis se déplace pour relever le 33ème RI en Alsace où les tranchées ennemis sont éloignées d’un kilomètre , une situation fort appréciée des hommes tant ils avaient souffert par le passé des combats rapprochés. Ils y restent un mois durant lequel Edouard est envoyé faire un stage de formation militaire dans l’aviation avant de profiter d’une permission de deux jours pour visiter Paris. Mais de retour sur le front c’est le chemin des Dames en perspective où les allemands ont déclenché une puissante offensive en ce mois de juillet 1917. Les 25 et 26, le régiment se rapproche du front où il aperçoit l’infernal bombardement auquel est soumis le chemin des Dames. Dans sa dernière lettre du 24 juillet, et pour la première fois, Edouard pense alors au pire en écrivant ces derniers mots prémonitoires à sa sœur «Encore deux mots avant de braver la mort, prie pour moi et je reviendrai sain et sauf, si j’y reste tu prieras pour le repos de mon âme afin que nous soyons unis là-haut » Les 26 et 27, le bataillon d’Edouard  relève sur l’isthme de Hurtebise celui du 90 ème RI ou les rescapés sont à moitié fou combien ils ont souffert. L 'isthme d’Hurtebise présente un paysage lunaire où les hommes se terrent dans les trous d’obus et les combats à la grenade sont favorisés par l’espacement d’à peine une quinzaine de mètres entre les premières lignes de front. Le 28 en fin d’après midi les allemands déclenchent des tirs d’obus d’une effroyable violence et des vagues d’assauts de leur première ligne débouchent repoussé par un combat à la grenade meurtrier. Les luttes se terminent et les ennemis reprennent leur position dans leur tranchée avec un petit avantage pour l’armée française. Les pertes sont sérieuses de chaque coté et on déplore la disparition celle du sous lieutenant Edouard Medebielle Lanusse d’Arros dont les derniers instants de sa vie nous sont racontés par un infirmier du 7émé colonial dans deux lettres adressées à la mère du disparu quelques jours seulement après sa mort pour l'une et à sa soeur Julie un peu plus tard. C’est un témoignage rare dans lequel les détails ne manquent pas sur la disparition d’un poilu fait par un proche et dont voici l’intégralité.


                            Le 4 aout1917

Lettre de Mr Oudouard infirmier au 7ème colonial  à Mme Catherine Médebielle  Lanusse , mère d’Edouard

Madame,

       A titre de prêtre et d’ami du cher Edouard  votre fils sous lieutenant au 7ème colonial,  je me hâte de vous donner des nouvelles que vous attendez sans doute avec impatience. Je voudrais pouvoir vous les donner meilleur. En tout cas ayez courage et confiance. J’aime à croire qu’il est toujours vivant. Vous n’ignorez peut être pas qu’il se trouvait  près d’hurtebise un secteur des plus mouvementée. Vous savez son ardeur et son courage. Comme chef de section  il marcha dans l’attaque du 28 juillet en tête  de ses hommes donnant à tous l’exemple .Il arriva des premiers à la première tranchée boche ou il pénétra. C’est la qu’il fut blessé probablement par une grenade aussi pas gravement. Un de ses hommes allait s’occuper à le penser lorsque les boches firent irruption dans la tranchée et sous le nombre, les nôtres furent obligés d’abandonner précipitation la tranchée conquise  un instant afin de ne pas être prisonnier. Ils ne purent, malgré leur désir, emporter le cher Edouard qui parait il à ce moment donnait  toujours des signes de vie. Ne l’ayant pas pansé ils ne purent  en effet rendre  un compte exact de l’état de sa blessure mais ils pensent qu’il y avait bon espoir. Je comprends  la peine que vous cause cette nouvelle et les angoisses dans lesquelles vous allez vivre jusqu’à ce que vous receviez  des nouvelles. Je partage cette peine mais j’ai confiance que la sainte Vierge qu’il aimait tant l’aura gardé. En tout cas la veille de l’attaque il s’y était préparé et avait fait ses devoirs comme il le faisait d’ailleurs toujours dans ces graves circonstances. Courage et confiance. S’il m’arrive d’avoir d’autres détails je me ferais un plaisir de vous les transmettre. Je vous prie d’en faire de même. Veuillez présenter mes bons sentiments à votre autre fils prêtre si je ne me trompe et agréer  vous-même avec tout mon dévouement  mes sentiments très respectueux.

               Audouard, infirmier  7ème colonial, 2ème bataillon ,sect 14


                        Le 11 novembre 1917

Lettre de Mr Oudouard infirmier au 7ème colonial  à Mlle Julie Médebielle  Lanusse ,

      

Mademoiselle,

Je m’excuse de répondre en retard à votre lettre. Elle m’avait trouvé absent du régiment pendant une quinzaine. Ensuite la vie mouvementée que nous venons de subir en ont été surtout requise. C’est à l’arrière au repos pour un mois peut être que se trouve un peu de liberté. Je n’avais d’ailleurs rien de nouveau à vous apprendre sur le sort de votre cher Edouard. Un moment le bruit qu’il était prisonnier avait circulé parmi nous, mais sans aucun  fondement : je m’en suis vite rendu compte et votre lettre est venue me le confirmer d’ailleurs. J’ai interrogé à nouveau  les soldats qui avaient pu le voir de plus près au moment ou arriva l’accident. Il fut m’ont il dit blessé d’abord légèrement  à un bras. Edouard dit à ses hommes « ce n’est rien ; allons en avant » Il marchait en tête très courageusement. Mais l’attaque fut manquée. Il se trouva engagé trop en avant avec quelques hommes. A ce moment la il reçu une grenade boche qui le frappa dans la région du bas ventre principalement. C’est du moins ce que cru le soldat qui se trouvait près de lui et qui pu revenir en arrière. Il ne peut affirmer si le coup fut mortel dans un moment pareil mais il pensa que c’était grave. Cependant au moment ou il le vit, le cher Edouard donnait encore signe de vie. C’est tout ce que j’ai pu savoir. D’autre part, au point ou il tomba nous avons avancé depuis. Ces jours derniers nous occupions encore ces positions. Le dernier recul des boches nous a permis encore d’aller plus loin. Nous n’avons pas trouvé cependant la moindre trace du pauvre Edouard. Nous avons pu identifier d’autres corps mais pas le sien. Il faut dire que les obus ont tellement bouleversé le terrain à cet endroit qu’on ne retrouve pas souvent la trace de ceux qui sont tombés en pareille circonstance. J’avoue  que j’avais plus d’espoir que maintenant. Une chose m’étonne c’est que malgré les recherches faites par vous, vous ne soyez arrivé à aucun résultat. Je vous serez reconnaissant  s’il y avait quelque chose de nouveau de me le faire savoir. Nous l’avons tous bien regretté, moi particulièrement, il était estimé de tous par son entrain et son courage. Dans tous les cas il était prêt pour faire à Dieu et à la Patrie le sacrifice de sa vie.

Que Dieu vous donne à tous la force de supporter votre peine.

Votre cher frère m’avait dit  plusieurs fois qu’il était prêt à faire le sacrifice de sa vie et encore  « la mort n’est qu’ un au revoir dans le ciel »

Veuillez agréer mademoiselle pour vous  et pour votre famille avec tout mon dévouement mon profond  respect.

Audouard

 

 

 

Lettre de Catherine Cassoudesalle veuve Lanusse Médebielle

 

Coublucq par Arzacq, Basses Pyrénées, le 5 février 1923

                                 Mr Le Grand Chancelier,

    La gendarmerie de mon canton d’Arzacq, Basses Pyrénées, est venue me porter à la date du 14 aout 1922 un extrait d’inscription à l’Ordre National de la Légion d’Honneur de mon fils, mort pour la France en 1917. Cet extrait devait être remplacé par un brevet que votre Chancellerie aurait à me délivrer ; il tarde beaucoup à venir et les choses paraissent trainer en longueur. Je remarque en effet que c’est par arrêté ministériel du 20 septembre 1921 que la Croix de la Légion d’Honneur a été attribué à la mémoire de mon cher disparu et que le 9 juillet 1922 cette attribution a été publiée sur le Journal Officiel . Or, tandis que des familles de la localité, se trouvant dans les même conditions que moi, possèdent depuis presque deux ans 1° le brevet 2° La Croix elle-même de la Légion d’Honneur soigneusement enfermée dans son écrin rouge, je suis condamnée à attendre indéfiniment. Ne pouvez vous pas hâter la délivrance de ces deux choses ; le brevet et l’Insigne ?

      C’est dans ce but que je me permets de vous écrire, tout en vous priant d’agréer avec l’hommage de mon plus profond respect l’expression de mes sentiments anticipés les plus reconnaissants

Signé : Catherine Lanusse

     PS : Indications pouvant vous être utiles

                     A ) C’est en date du 18 juillet 1922 que le Lt Colonel Le Duc Commandant le 7ème colonial à Bordeaux a signé l’extrait d’inscription de chevalier dans l’ordre national de la Légion d’Honneur de mon fils, le Sous Lieutenant Pierre Edouard Lanusse mort pour la France à la Grande Guerre.

                     B) L’attribution de la Croix de Chevalier est accompagné de la citation suivante : « Officier énergique et brave, modèle constant pour les hommes. Glorieusement tombé pour la France dans une tranchée qu’il venait d’enlever à l’ennemi avec sa section le 29 juillet 1917 à Hurtebise. Croix de guerre avec Palme »


Epilogue de l'histoire: Edouard Lanusse Médebielle d'Arros bien qu'enfant de notre village et son nom gravé sur le monument aux mort n'a pas été retranscrit sur les registres de son village natal à l'époque étant domicilié pendant la guerre officiellement avec sa mère et son frère curé à Coublucq où il n'a jamais vécu.Il serait légitime qu'il soit au moment de célébré le centenaire de la fin de cette guerre qu' Edouard le seul officier et décoré de la Légion d'Honneur  puisse être transcrit à Arros et figurer auprès de ses frères d'armes tombés pour la France ,enfin  s'il existe un moyen de le faire.

Aux dernières  nouvelles  Louise aurait été aperçue sur un bateau transatlantIque quelques années aprés la guerre et se serait marié avec un amèricain du coté de Boston.

 
 

 Un voyage de bethleem à Nazareth en 1914

Par Edouard Lanusse Médebielle

            " C'était le 21 septembre, tandis que l'aurore n'apparaissait pas encore, là bas, au dessus des monts de Moab, dans l' humble chapelle du Carmel de Bethleem, nous prononcions, six novices, la formule des voeux temporaires. Notre coeur était dilaté par l'amour et la reconnaissance, et de douces larmes, des larmes de bonheur coulaient de nos yeux. Quel moment délicieux! Oh! comme on se sentait alors près de Jésus! Comme nous aurions voulu rester longtemps près de son tabernacle! Mais non, à peine soldats du christ, il nous fallait entrer en campagne. L'étape était marquéé: Bethleem - Nazareth, par Jaffa et Caïpha. C'est pourquoi une heure après la touchante cérémonie, nous étions sept voyageurs dont cinq nouveaux profes, sur la route de Bitter car c'était là que nous devions prendre le train pour Jaffa.

     En quittant la demeure où s'était écoulée l'année si douce, si tranquille du noviciat, en nous éloignant pour deux ans de notre bien aimé Père maître, des autres bons Pères et de nos frères chéris, notre coeur sentait un peu le deuil l'envahir, et nous aurions voulu ne rien laisser après nous de ce que nous avions aimé, mais la vie est faite de séparations: il fallait une fois de plus en faire l'expérience. Le soleil matinal dardait déjà ses rayons avec force,quand nous parvînmes sur la colline de Beit-Djalla qui domine Bethleem. Un dernier regard sur le Carmel dans la direction de la crèche pour tout bien garder dans nos coeur et nous nous enfonçâmes dans la montagne par un sentier des plus rocailleux. Nous avions à nous transmettre les impressions de la cérémonie du matin, celles de dix jours de retraite, aussi la causerie commence t-elle joyeuse mais recueillie. Après avoir serpenté pendant trois quarts d'heure nous arrivâmes à Bitter; nous avions devancé le train mais l'attente ne fut pas longue. Le temps de faire enregistrer nos paquets et nous montions tous dans un même compartiment, où était déjà installée une compagnie des plus variées. Un coup de sifflet et nous voila en route.

     Notre départ avait été si hâté que nous n'avions pas encore eu le temps de faire notre méditation. Nous nous recueillimes donc du mieux que nous pûmes et pendant près d'une heure, nous repassâmes dans notre esprit tous les bienfaits dont Dieu nous avait comblés. Je n'ose pas dire que les cantiques de cinq ou six russes qui étaient à coté de nous, nous aidèrent dans les affections à produire, parce que, si les paroles étaient touchantes, nous ne le remarquâmes guère, mais l'air était si pieux que l'âme s'évelait tout naturellement vers Dieu. Notre méditation finie, un de nos frères qui avait dû s'installer à l'extrèmité du compartiment vient confidentiellement demander à quelqu'un de bien vouloir lui ceder sa place et d'aller prendre la sienne " Je ne puis rester là dit-il je me trouve en face d'un homme vilain comme un démon" Ce démon n'était autre qu'un brave indou à qui la nature n'avait guère prodigué ses grâces. Ceux d'outre Rhin auraient dit qu'il était "colossal". Rien d'étonnant que le courage ait abandonné notre bon frère; quand en effet, notre homme baillait, il aurait bien pu l'avaler, mais s'il était laid, il n'avait pas l'air méchant, malgré ses gros yeux et sa grosse tête. Ses compagnons, ils étaient trois ou quatre, semblaient un peu plus gracieux. L'un deux nous amusa beaucoup, coiffé d'un turban vert, chantant,riant, crachant,se mouchant ( il n 'avait pas de mouchoir naturellement), il faisait prendre à ses jambes toutes les positions qu'il voulait et cela machinalement. La position où il avait l 'air le plus à l'aise était les jambes sur la banquette et lui assis dessus. A nos coté se trouvait un marocain très gentil. Au moment de notre déjeuner nous lui offrîmes quelques figues; il refusa d'abord poliment; comme nous insistions, il les prit. Mais tirant aussitot de son panier des raisins, il nous força d'accepter à notre tour. Cette générosité nous fit grand plaisir.

    Le train marche depuis longtemps. Nous achevons de traverser la plaine de Jaffa entre de longues rangées d'orangers; tous ces arbres sont couverts de poussière et ne présentent pas du tout un coup d'oeil agréable.; Que voulez-vous? le vert est rare en été en Palestine! Le train s'arrète; nous somme à Jaffa. Il n'y a pas de temps à perdre, le bateau part à midi. C'est pourquoi nous nous dirigeons à grands pas vers l'embarcadère. A peine un moment de halte à Casa Nova oû notre groupe se grossit d'un voyageur et nous voilà sur la barque. La mer est un peu agitée. Il n'en faut pas davantage pour bouleverser un de nos frères,qui, pour lutter victorieusement contre l'ennemi intérieur, s'accroupit au fond de la barque, ferme les yeux et tâche de penser aux anges.Ceux que le mal de mer n'effraie pas sont contents d'étre mollement bercés par les vagues.Ils regardent avec plaisir le mouvement des rames régularisé de temps en temps par les voix des rameurs qui répondent tous en coeur à une invocation du maître barquier; celui-ci debout sur le rebord se tient en équilibre parfait. Enfin nous voilà près du Khédivier, un petit saut bien mesuré de la barque à l'escalier du bord et l'on est sur le bateau. Malheur à celui qui ne sait pas saisir la seconde propice pour passer de la barque à l'escalier du bateau. Ils sont nombreux ceux qui ont pris un bain en bonne et dûe forme. Il n'arriva, par bonheur, nul accident de ce genre à aucun de nous. Mais nos paquets, hélas! Dans quel piteux état ils étaient! Faits avec du papier, ils n'avaient pu résister au transport du train à la barque et de la barque au bateau. Des mouchoirs, des chemises couraient ça et là; nous dûmes les refaire presque tous. Autres affaire, croyant que le Khédivier quittait Jaffa à midi, nous n'avions pris que place de pont, mais voilà qu'on nous dit qu'il ne part que le soir. Force est de prendre place entière et nous montons sur le pont de seconde. Nous eûmes là une scène qui nous ennuya fort. Un portefaix dont l'oeil disait "chou" à l'autre nous ayant porté du pont à la cabine trois paquets sans que personne le lui demandât, prétendit recevoir pour ce léger service un salaire de deux francs. On lui offrit un pourboir tres convenable. Il le prit et le jeta par terre. " C'est bien, lui dit-on, puisqu'il en est ainsi tu n'auras rien du tout" et on s'en alla. Mais lui, s'attachant à nos pas, jura de ne nous quitter qu'après avoir reçu ce qu'il demandait. Comme il murmurait tout haut et que cela était tres désagréable, on lui présenta un pouboire plus que le premier.Il le prit et d'un geste dédaigneux le jeta à la mer. A cette vue un fils de saint François se leva d'un bond et marchand sur l'importun, il vous le soigna d'importance.

      Nous étions tranquille, le bateau ne s'ébranla que vers huit heures du soir. Peu à peu les lumières de Jaffa disparurent derrière nous et nous fûmes plongés dans l'obscurité. C'était le moment de faire la prière du soir. Tous ensemble, au beau milieu du pont, sans géner cependant personne, nous récitâmes les litanies des Saints et après un quard d'heure d'examen général , nous laissâmes le sommeil s'appesantir sur nos paupières. Le lendemain matin vers six heures nous entrions dans le golfe de Caîpha. Il a la forme d'un fer à cheval, le centre est occupé par Caîpha, les deux extremités par le mont Carmel et Saint Jean d'Acre. Aussitôt que le bateau fut arrêté, nous débarquâmes par une mer peut etre un peu plus calme qu'à Jaffa. Mais encore hélas! nos paquet! Bien que refaits, ils se défaisaient toujours et il fallait veiller avec soin à ne rien laisser en route. Sur le quai un officier turc se presente. "qui étes vous nous demande t-il? Des français ou des anglais? des français! passez! nous passons. Du quai il fallut se rendre à la douane. Oh! c'est ici qu'on apprend à connaitre les turcs! Il vous font tout payer en "bachiches" même se qui ne devrait rien payer. Ils ont ainsi l'air de vous faire une grace, alors qu'ils font tout le contraire. Enfin moyennant force bachiches, nous passâmes, nous mîmes nos paquets qui n'étaient plus maniables sur une voiture,et nous allâmes les déposer en lieu sûr. Après quoi il fallait les uns dire la messe, les autres l'entendre.Le mont Carmel était là en face de nous; on l'escalade. Cette escalade n'est pas trop pénible mais la route était si poudreuse qu'en arrivant en haut nous étions totalement couverts de poussière. Oh! la belle chapelle que celle du couvent du Mont Carmel. Qu'il est doux , surtout un second jour de profession d'y recevoir Jésus par les mains de Celle qui nous a donné une arme invicible contre la mort. Après l'action de grâces, nous fimes honneur au petit déjeuner qu'on nous offrit. La montée nous avait donné de l'appétit et puis des estomacs de vingt ans, ça mangerait toujours! Ensuite on voulut bien nous faire visiter le couvent. Sur la porte de chaque cellule on pouvait lire la sentence favorite de celui qui l'habitait. " heureux les coeurs purs car ils verront Dieu" disait l'une. " bienheureux les pauvres d'esprit parce que le royaume des cieux est à eux" disait une autre .La bibliothèque qui servait en même temps de musée était bien grande mais à part de gros volumes arabes, je ne serais dire ce qu'il y avait car nous n'y fîmes que passer. Nous montâmes sur la terrasse, de là, on voyait sous nos yeux se dérouler un spectacle splendide. C'était à nos pieds, Caîpha avec son aspect moitié arabe, moitié européen à notre gauche le port où stationnaient encore le vaisseau qui nous avait portés et un vaisseau français; ça et là des barque sillonnaient en tous sens le golfe: c'était ensuite la mer immense qui s'étendait comme un miroir d'argent avec à l'horizon un léger brouillard. A notre droite c'était les montagnes de Galilée, les unes regardants par dessus les autres pour se faire voir toutes avec leurs pieux souvenirs; la plaine d'Esdrelon qui serpentait comme un fleuve entre les collines dénudées. Enfin derrière nous, c'était encore la mer qui venait mourir tout doucement presqu'à nos pieds.Par un escalier qui portait ces mots" si descendero in infernum, ades" , nous descendîmes pour visiter la chapelle, nous ne l'avions point fait après la messe.Nous pûmes arriver jusqu'auprès de la Madone miraculeuse, lui baiser le pied et la considérer tout à notre aise. Quelle ne fut pas notre surprise en voyant qu'elle était décorée de la Légion d'Honneur? Nous la félicitâmes et nous lui dîmes adieu en nous mettant sous sa protection toute puissante. En sortant du couvent, nous nous arrètâmes un instant devant le mausolée sous lequel reposent depuis plus de cent ans des soldats français morts pour leur pays. Chacun fit monter de son coeur une courte mais ardente prière pour ces martyrset nous éloignâmes de ces lieux bénis presqu'à regret. De retour dans la ville, une voiture nous attendait. Nous escaladâmes et fouette cocher! Le voyage recommença. Je n'essaierais point de vous décrire le pays que nous traversâmes, parce que la description, comme le pays,respirait beaucoup trop le brulé! D'un coté en effet, à notre gauche s'étendait la grande plaine d'Esdrelon jonchée d'herbes sèches; un soleil de plomb pesait sur elle et n'eussent été ça et là quelques troupeaux enfermés dans des parcs, la vie aurait été complètement absente. A notre droite c'était plus agréable.La montagne se dressait, un peu abrupte parfois mais beaucoup plus riche en verdure qu'en Judée; des buissons verts étaient semés partout sur les flancs; bientôt même nous eûmes le bonheur de traverser une forêt de chènes; n'eut été la route nous aurions eu l'illusion que nous traversions un coin d'Europe. Oh! le plus vilain quand même! Mais cette route, comme elle était mauvaise! Dans tous son parcours ce ne sont que d'énormes crevasses propres à vous faire chavirer d'autant plus que le cocher n'a pas l'air de s'en soucier beaucoup; aussi la voiture prend-elle parfois des positions qui sont loin de l'horizontales. On a ensuite , par dessus le marché, en abondance de la poussière à avaler. Les habits noirs y font leur provision. Au bas d'une côte, en pleine campagne, nous nous arrètâmes auprès d'une fontaine. Il fallait faire boire les bêtes, les hommes aussi avaient besoin de se restaurer c 'est pourquoi à l'ombre de la voiture nous dégustâmes un diner des plus champêtre où la pastèque faisait office de boisson. Quand nous reprîmes notre course, un vent assez violent s'était élevé. Les chapeaux étant dépourvu de cordon il n'était pas commode de les maintenir sur la tête. Une minute d'oubli se payait cher. Soudain une coiffure part. Halte! Un saut de la voiture et le perdant s'en va à la poursuite de son bien. Il le saisit, mais non, le chapeau repart, cette fois -ci il le ramassera à coup sûr; pas du tout le voila qui s'élève encore. Enfin il le prend et s'en revient triomphant sur la voiture. On n'a pas fait cinquante mètres qu'un autre chapeau s'échappe des mains d'un autre frère. Nouvelle halte, nouvelle course, nouveau spectacle! En effet l'exemple a servi de leçon et aucun autre accident de ce genre n'arrive.Mais voici que nous arrivons au sommet d'une colline, tout près de Nazareth, de là nous découvrons un magnifique spectacle. A nos pieds, à notre droite, c'est encore la plaine s'élargissant comme un vaste lac; elle est fermée , à l'horizon par la montagne du sacrifice, par la montagne de l'Ouéli gardée par Naim. Devant nous au loin c 'est le Thabor au sommet arrondi; plus près c 'est le précipice. Tout à coup au tournant d'une colline nous apercevons Nazareth coquettement placé dans un petit vallon mais grimpant aussi sur l'une de ses hauteurs pour aller sentir les brises marines et regarder l'horizon lointain. Nous entrâmes dans cette jolie cité et quelques instants après nous étions à notre nouvelle résidence"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 
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