Cette histoire qui a nouveau met en scène notre village dans la grande Histoire se passe pendant l'occupation dont certains détails sont surement encore connus de quelques anciens habitants d' Arros, débute le jour de la naissance de Mireille, le 28 décembre 1932, à Paris, où Emile et Sarah Sinkel, ses parents, sont arrivés, fuyant chacun la montée de l’antisémitisme et les pogroms dans leur pays d’origine respectif. Le père est né à Odessa, dans l’actuelle Ukraine, la mère est originaire de Varsovie en Pologne. Le couple après leur mariage avait auparavant fait un détour par le Brésil, où ils avaient obtenu la nationalité brésilienne. Dans la capitale française, en ce début des années 1930, de nombreux juifs se sont installés comme eux dans le Marais et c’est dans un atelier de couture que le couple s’était rencontré, en 1923. Jusque-là bûcheron, puis ouvrier dans l’industrie du caoutchouc, le père a installé une petite fabrique d’imperméables quand la guerre et l’occupation viennent menacer la vie des juifs français et étrangers.
Dès 1940, le couple avait pris la décision d’envoyer sa fille Mireille et son frère Jacques à la campagne ou Emile était parti plus tôt en éclaireur dans le sud de la France mais il est arrêté comme juif étranger et déporté au camp de Gurs dans les Pyrénées-Atlantiques ou il est détenu au mois d' octobre 41. avant d'être pris comme ouvrier agricole au GTE (groupement de travailleurs étrangers) 526 à Izeste ou sont internés en majorité des républicains espagnols et une centaine de juifs étrangers. C'est là que Mr Porte, le maire d'Arros d'alors, retira trois israélites du camp avec un contrat de travail dans une ferme du village. Le polonais Dayezer Moszeck, le turc Palatchi Isaac et Emilio Kerbel qui se trouve être en fait le père de Mireille et qui possédait un passeport brésilien, sont placés à Arros chez Henri Dufaur ou en réalité ils ne travaillent pas vraiment mais sont plutôt en pension contre une rémunération de 10000 francs chacun payée à Mr Porte pour le service.
Désormais à Paris, ils n'y a plus de doute sur le danger qui pèse sur les juifs et c'est une intuition du péril imminent qui va sauver la famille de la rafle du Vél’ d’Hiv, en juillet 1942. Mireille est encore à Paris avec sa mère qui après avoir vu des policiers arrêter des dizaines de familles, prend ses deux enfants et le trio réussit à sauter dans un bus pour Montauban. En arrivant à la ligne de démarcation, la famille s’en sort miraculeusement grâce à son passeport brésilien et peut ainsi continuer sa route en zone libre en direction d'Arros ou Emilio son mari est supposé l'attendre chez Dufaur.
. Entre temps, suite à une enquête de la police judicière régionnale (de Vichy), Victor Porte est arrêté peu après avoir été révoqué de ses fonctions par Pierre Pucheu, ministre de l'état français, et mis à disposition du parquet pour avoir favorisé le séjour irrégulier des trois juifs. Il comparait le 18 mars 1942 devant le tribunal correctionnel avec son concitoyen Dufaur et les trois étrangers ou il est accusé de les avoir aider par des moyens frauduleux (faux contrats de travail) à séjourner sur le territoire de la commune. Les faits sont reconnus dans leur ensemble et le ministère public requiert sévèrement contre Porte tandis qu'il admet que le role de Dufaur a été bien minime. Le batonnier Boudon plaide pour la relax de ce dernier vu sa bonne foi et la façon désintéressé dont il aurait agi pour faire plaisir au maire de sa commune et sera condamné à 600 francs d'amende. Le principal prévenu est défendu par Maitre Verdenal qui plaide les circonstance atténuantes pour son client qui aurait agi par pitié, ayant commis des imprudences et n'ayant pas ensuite refusé un cadeau. Le tribunal condamne Porte à quatre mois de prison et 12000 francs d'amende. Pour les trois israélites, le tribunal requiert l'application de la loi pour leur rôle de "corrupteurs" et pour avoir produit de faux certificats afin de pouvoir travailler, ils sont condamnés à 40 jours d'emprisonnement à Pau et 12000 francs d'amende chacun. Leur peine exécutée ils sont envoyés au tristement célèbre camp de Gurs en mars 1942 ou l'on perd désormais la trace du turc et du polonais qui auront très certainement été envoyés vers les camps de la mort parmis le millier de juifs étrangers du camp déportés en 1943. Emilio Kerbel par chance grace à son passeport brésilien, est libéré en juin et il est emmené à la frontière ou il a été rejoint par sa femme, son fils Jacques et sa fille Mireille pour repartir au Brésil via le Portugal. La famille Kerbel passe au Portugal, à Lisbonne où elle vit un an avant de rejoindre pour six mois un camp de réfugiés jusqu’à ce que l’antenne locale de l’American Jewish Joint Distribution Committee leur propose d’émigrer au Brésil, au Canada ou en Palestine. Ils choisissent l’Amérique du Nord, et y seront transférés neuf mois avant la libération de Paris, en 1944. Leur retour en France se fera seulement trois ans et demi plus tard.
Quelques années après, Mireille s'est mariée à Paris avec Kurt Knoll un rescapé du camp d'Auschwitz ou elle vivra jusqu'au jour de son assassinat sordide le 25 mars 2018 par deux marginaux auxquels elle avait l’habitude de rendre service et c'est là la raison de la présence du chef de l'état à ses obsèques tant l'indignation fut grande bien au delà de nos frontières.
A suivre