Sous l’ancien régime, l’église et son cimetière situés dans le parc du château n’appartenaient pas au Baron d’Arros mais bien aux Livron de Saint Abit, sa belle famille (voir l’article sur l’abbaye laïque d’Arros. ) qui possédaient en outre d’autres terres dites abbatiales qui s’étendaient alors jusqu’au village et certainement celle que l’on retrouve sous la cote A 51 (voir sur le plan ici) dans le cadastre Napoléonien. L’entente entre les deux familles ne semble pas des plus parfaites et les discutions de 1768 malgré les différentes propositions des uns et des autres ne trouvent pas d’accord pour des questions juridiques et ce malgré l’urgence d’une translation du vieux temple et de son cimetière où les tombes nagent parfois dans les eaux du Luz.
Vingt ans plus tard, les mêmes protagonistes et les jurats d’Arros reprennent les pourparlers lors des réunions des 8 et 25 aout 1788 où cette fois les modalités de la translation sont précisées. Le comte de Livron fournira bien le nouveau local comme il l’avait proposé auparavant et le Baron aidera matériellement et financièrement à la construction du nouvel édifice religieux. Le projet ne verra pas pourtant le jour pour cause de révolution de 1789 et surtout par la confiscation des biens de l’abbaye laïque qui deviennent des biens nationaux. Le presbytère est vendu au Sieur Puyau dit Trauqué et les terres comprenant l’église et le cimetière appartiennent dès lors à la nouvelle commune d’Arros. D’après une délibération du conseil municipal de 1801, le cimetière semble avoir été déplacé dans l’urgence avant 1789 peut être dans le lieu même proposé par le comte de Livron dont on ne peut être certain de l’emplacement précis mais que tous porte à croire que c’était le terrain sous la cote 51 derrière la maison de l’enclos Laguilheme (cote A43). Ce terrain, en 1832 sera celui-là même retenu dans un premier temps dans le projet initial de l’architecte en charge des aménagements d’Arros et en particulier de son cimetière et de l’ église qui elle non plus par ailleurs dans ses premiers plans, n’est pas située exactement à l’endroit où elle sera construite quelques années plus tard . Sans la révolution le cœur du village d’Arros ne ressemblerait donc pas à celui que l’on connait aujourd’hui avec son église certainement édifiée de l’autre coté de la route des Pyrénées à une cinquantaine de mètres de l’actuel édifice sur le terrain coté 95 du nouveau plan parcellaire (d’autres précisions bientôt dans un article qui sera exclusivement consacré à la construction de l’église).
Finalement, le cimetière sera bien aménagé contre la nouvelle église et le 29 juin 1838 se réunissent à la maison commune le maire avec cinq adjoints en présence du Sieur Barbé, maitre maçon et charpentier le rédacteur du projet et son adjoint pour procéder à l’adjudication des travaux concernant la construction des murs de clôture du cimetière dont le devis estimatif avait été approuvé par le Préfet le 6 juin 1838 et évalué à 1400 francs. Ils sont cinq prétendants à remettre leur paquet cacheté contenant leur soumission et les pièces exigées prouvant qu’ils ont chacun les qualités nécessaires pour entreprendre les dits travaux et en garantir le succès ainsi que leur cautionnement.
- Latapie Jean Pascal avec un rabais de 20 centimes pour cent sur l’ensemble des prix
- Sorbé Jean au rabais de 8 francs pour cent
- Maisonnette Jean à celui de 30 centimes
- Labayesse Mandrou Jean à celui de 50 centimes
- Laban Jean à celui de 2 francs
Après une nouvelle enchère à la bougie la soumission du Sieur Sorbé étant la plus avantageuse, le Maire et le conseil le déclare adjudicataire des ouvrages compris dans le devis au prix mentionné moyennant un nouveau rabais de quinze francs pour cent sous réserve de la remise avant deux semaines de l’acte de son cautionnement à l’occurrence d’une somme de 300 francs sous peine de réadjuger les travaux.
Le procès verbal de l’adjudication du 29 juin 1838 est approuvé par le Préfet le 6 juillet portant le Sieur Sorbé Jean , 3ème né, entrepreneur en travaux publiques à Pau
1° Pour la construction des murs en maçonnerie en pierres et chaux
2° Pour la construction des portes en pierres de taille et les vantaux en bois de chêne, fer et serrure nécessaires moyennant un rabais de 15 francs pour cent sur l’ensemble des prix.
En 1841, les travaux sont abandonnés par le dit Sorbé depuis plus d’un an quand il est établi une régie aux frais de l’adjudicataire. Le Sieur Barbé, maitre maçon et rédacteur du projet est alors nommé régisseur le 12 avril 1841 pour l’achèvement des travaux par un acte de notification transmis au Maire par le Préfet et au Sieur Sorbé par le caporal des gardes municipaux de la ville de Pau , Jacques Lespine.
L’architecte Bazeille accompagné par le maire d’Arros réceptionne définitivement les travaux le 8 mars 1843 qui sont reconnus « bien duement exécutés conformément aux clauses et conditions préconisées tant pour le devis que pour le cahier des charges ». Le Sieur Barbé est alors payé pour le solde de tous l’ouvrage.
Seulement vingt ans plus tard le cimetière d’Arros semble à l’étroit et la commune fait alors l’acquisition en 1863 d’une partie du jardin de l’enclos de Lacrouts à l’est en vue de son agrandissement. Il avait été fait pour cela le 21 septembre 1861 par l’architecte Poyharré un devis estimatif des travaux à effectués pour la somme de 700 francs comprenant 62 mètres linéaires de mur d’une largeur de 40 cm et haut de 2,50 m le tout sur une fondation de 80 cm d’épaisseur, soit près de 80 mètres cube de matériaux !
Après un siècle d’utilisation, le cimetière autour de l’église est à son tour détruit (par une entreprise locale appartenant au maire de l’époque) laissant place à la nouvelle cour d’école et être déplacé cette fois à l’extérieur du village sur le chemin du gave où il se trouve actuellement. Peu soucieux des caveaux de leur famille ou précipités par un transfert peut être un peu hâtif les habitants dans leur majorité ne semblent pas avoir récupérés les pierres des tombes de leurs ancêtres dont certaines provenant déjà du premier cimetière et qui ont été détruites comme le signalait froidement l’avis municipale de l’époque envoyé à chaque propriétaire de concession.
Une fois de plus c’est toute une partie de l’histoire de notre village qui disparu à jamais au milieu des années 60, à une époque ou les responsables municipaux n’étaient pas aussi sensibles au patrimoine historique de la commune qu’aujourd’hui. Il doit certainement y avoir encore quelques vieilles pierre, (qui n’on pas pu disparaitre ainsi) quelque part au village des anciens cimetières dont celles de ma famille dont les derniers descendants qui avaient quitté le village depuis longtemps déjà n’avaient surement pas été informé de ce transfert. On dit aussi que des pierres qui se trouvaient jadis dans l’ancienne église ou furent enterrés les membres de la famille d’Espalungue et la mienne au 18ème siècle serait toujours entreposées au château.......
Nombreux encore, sont les plus anciens du village à se souvenir du cimetière de leur enfance et il serait intéressant d’essayer avec leur collaboration de le reconstituer ici de façon virtuelle. Pour cela, un plan des lieux sera mis en ligne bientôt sur lequel il sera j’espère possible un jour de matérialiser l’emplacement des tombes des anciennes familles d’Arros.
Etrange tombe
Lors du dernier transfert du cimetière d’Arros autour de l’église à la fin des années 60 vers son emplacement actuel, quelques familles seulement avaient fait le choix d’y transporter leur tombe et monument funéraire. Il ne reste désormais que très peu de ces anciennes pierres et croix en fonte provenant du cimetière du 19ème siècle et très certainement aucune du tout premier qui se trouvaient autour de la première église dans l’enceinte de la propriété du château des barons d’Arros. Les quelques anciennes tombes se dégradent inexorablement jours après jours et déjà les noms gravés sur la pierre, rongés par le temps, sont sur le point de disparaître et avec eux un des derniers témoignages d’un passé, pourtant, pas si lointain de notre village. Il existe cependant plusieurs monuments qui par leur importance très certainement ont pu échappé aux outrages du temps comme ceux de deux grandes familles d’Arros, les Miramon dont les ancêtres à chaque époque avaient été impliqué dans les affaires de la commune et bien sur les d’Espalungue,la dernière famille des Barons d’Arros, avec son magnifique blason sculpté.
Au milieu des sépultures en marbre lisse et coloré et quelques anciennes pierres tombales grises usées par le temps, se détache de l’ensemble une curieuse stèle funéraire remarquable par ses dimensions et ses bas reliefs surmontée d’une croix en pierre qui semble être d’une autre époque que celle du monument d’origine. Plus curieux encore est la présence d’une plaque de pierre sculptée représentant le blason des d’Arros, la plus ancienne famille des Barons ayant possédé le fief d’Arros depuis le 11ème siècle, qui paraît avoir été posée récemment sur la pierre verticale recouvrant en partie une épitaphe gravée.
Armoiries de la famille d’Arros
« écartelé aux 1 et 4, d’or, à une roue de six rayons de gueule, aux 2 et 3, d’argent,à trois chevrons d’azur, le tout d’or à la croix florencée de gueule »
Sur la partie inférieur de la stèle l’inscription « Brie d’Arros» a été aussi gravée depuis peu dont la signification est assez étrange. Aurait t-on voulu y écrire en abrégé le mot baronnie ? Suivant la règle de retranchement des lettres médianes l’abréviation correct aurait alors été plutôt « Bnie ». Ces éléments rajoutés à la stèle d’origine sont vraiment très étonnants si on considère que seuls les Barons d’Espalungue d’Arros ont encore porté ce titre honorifique jusqu’au début du 20ème siècle et que la baronnie historique n’existe plus officiellement depuis août 1789, ayant disparu avec les états du Béarn et l’abolition des privilèges. Il n’y a donc désormais plus de baronnie d’Arros, pas plus qu’il n’y a de descendant de l’illustre famille d’Arros qui s’est éteinte avec la mort de Bernard à la fin du 16ème siècle. La probabilité de trouver un descendant direct portant le nom d’Arros est donc nulle et aucune famille contemporaine ne peut y prétendre et même si quelques familles portent encore ce nom il s’agit là que d’homonymes n’ayant aucun lien de parenté avec les barons historiques de notre village. (voir l’article sur la famille d’Arros).
Législation héraldique aujourd’hui
A l'heure actuelle, toute personne, famille, groupe ou collectivité est en droit de porter des armoiries, qu'elles soient anciennes ou nouvellement créées. La jurisprudence en matière d'héraldique reconnaît, par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 décembre 1949, que "les armoiries sont des marques de reconnaissance accessoires du nom de famille auquel elles se rattachent indissolublement". Les armoiries obéissent aux mêmes lois de transmissibilité et de concession que le nom de famille et sont conjointement protégées contre toute usurpation.
La stèle de la tombe dite "d'Arros" provient en effet de l'ancien cimetière autour de l'église qui n'avait alors pas été récupérée par son propriétaire au moment du transfert en 1970 vers le lieu actuel de sépultures et probablement conservée pendant des années par l'entrepreneur qui en avait fait la démolition. Une seule de ces stèles en pierre d'Arros remarquablement sculptées aux motifs floraux et dépourvu de tout signe religieux avait été transportée, celle ci appartenant à la famille Miramon dont il sera fait détail dans un article ultérieur. Toutes n'ont pourtant pas disparues car il en existe encore quelques unes que les familles ont conservées dans leur propriété et que l'on peut encore apercevoir aujourd'hui comme celle exposée dans la cour de la maison Juppé dans la rue du plantier.
La stèle "d'Arros" est très bien conservée et on peut facilement y voir les inscriptions marquées dans la pierre blanche et le nom de leur ancien "propriétaire" Sur la partie haute est gravé "cit git Jean Grilhou", le reste de l'épitaphe étant recouvert par le blason posé postérieurement et informant certainement de la date du décès le 15 octobre 1867 à l'âge de 57 ans suivi dans la partie basse du nom de l'épouse du dit Grilhou; Suberbielle Marguerite. Le "réemploi" de cette stèle est aussi étrange que "déplacé" si on considère que le dit Jean Grilhou qui avait été le maire de notre commune sous la 2ème république était un ardent républicain anti-monarchiste et très certainement un anticlérical convaincu au même titre que Jean Grilhou, son père, lui aussi maire de notre commune en 1800 pendant la première république. La présence d'une croix et du blason porté par l'ancienne famille noble d'Arros sur un tel monument "historique" à la mémoire d'une grande famille républicaine dont les derniers descendants sont désormais alliés aux Dufaur et Pétroix semble donc bien incongru. Une simple recherche au préalable ou une connaissance de l'histoire de notre village aurait été judicieuse afin d' éviter ainsi un petit "crime de lèse Majesté".