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les troubles d'Arros en 1848

 

Les troubles d’Arros de 1848

  Un article tiré du « journal des débats politiques et littéraires du samedi 9 septembre 1848 qui résume bien cet épisode de trouble qui toucha notre village. De nombreux autres articles existent dans les différents journaux régionaux et nationaux de cette affaire qui fit alors grand bruit et seront mis en ligne ici bientôt avec de nombreux détails de cette révolte des habitants d’Arros avec à leur tête le baron d’Espalungue

      On écrit de Pau, le 5 septembre

   Des troubles ont éclatés à Arros à l’occasion de l’impôts de 45 centimes. Les troupes expédiées de Pau n’ont pu pénétrer dans le bourg. Les habitants en avaient barricadés fortement toutes les entrées et manifestaient l’intension de faire une vigoureuse résistance. Une estafette venant de Bayonne est arrivé le 3 à Pau. On croit qu’elle apportait des ordres du gouvernement qu’on a consulté par le télégraphe au sujet des troubles d’Arros. On disait le même jour qu’à Arros les troubles continuaient et que les émeutiers ne cessaient pas de faire des barricades et autres préparatifs de défense. Un général qui se trouve à Toulouse est attendu à Pau pour prendre le commandement des forces militaires. Les chasseurs de Tarbes séjournent à Pau. On continu à s’entretenir en ville de l’expédition d’Arros et des mille épisodes auxquels elle lui a donné lieu. Il parait que les paysans étaient exaspérés, qu’ils se plaignaient d’une excessive misère et qu’aux exhortations paternelles des autorités ils répondaient qu’ils n’avaient pas de pain pour leurs familles. Ceux d’Arros, particulièrement, disaient qu’ils avaient les plus grandes peines à payer les contributions de l’année et qu’ils n’avaient aucun moyen de faire face à la contribution extraordinaire.

     On assure que les autorités ont mandé à Pau les maires des communes et les habitants notables pour les interroger et les engager à faire sentir aux populations les conséquences funestes qui pourraient résulter de leur révolte s’ils y persévéraient. C’est par là peut être qu’on aurait du commencer. Au moment ou M. le Procureur général Marrast opérait sa retraite, un homme d’Arros, armé d’une fourche ne l’atteignit heureusement pas et ne rencontra qu’un panneau de sa voiture.


Troubles d’Arros en 1848

Texte tiré de l'histoire du Béarn en deux conférences

      En mars 1848, Goudchaux( le ministre des finance après la révolution de Juillet) et Garnier Pages (membre du gouvernement provisoire et maire de Paris en 1848) furent pour l’honnêteté en matière de finances et pour le salut du crédit de la France ils firent adopter l’impôt des 45 centimes (très impopulaire dans les campagnes).  L’honneur et le crédit de la France restèrent saufs  mais la réaction implacable s’en fit une arme pour agiter les masses rurales.

      L’agitation dans la plaine de Nay fut  attribuée à  M. d’Espalungue, baron d’Arros, mais il n’était ni le seul ni le plus actif à la produire.  M. le baron d’Espalungue était un légitimiste intransigeant, nullement entaché d’orléanisme, ses traditions de famille, remontant aux siècles précédents, n’avaient pu lui enseigner  « le refus de l’impôt » car ses ancêtres de vraie noblesse en Béarn comme en France n’avaient pas à refuser un impôt qu’ils ne payaient pas. Mais il y avait de la politique dans ses traditions de familles et c’est sur le terrain politique qu’on l’accusa beaucoup. Quoiqu’il en soit, quand  les agents de contrainte se présentèrent  chez lui, dans les derniers jours d’aout, il y eut une foule énorme de paysans qui se trouva miraculeusement rassemblée autour du château et qui fit à un  malheureux huissier de Nay une conduite tumultueuse et bruyante jusqu’aux limites de la commune.

      La cour d’appel évoqua l’affaire, M. Laporte, président de Chambre, et M. Ferrier, conseiller, furent chargés d’instruire.  Le 1er septembre, le procureur de la république M.Bouvet  et le juge d’instruction se rendirent à Arros pour procéder à l’enquête sur les lieux mêmes. Ils y avaient été précédés par quatre compagnies  du 41ème de ligne alors en garnison à Pau. A l’arrivée des magistrats instructeurs,  le tocsin sonna dans les communes  grâce à la complaisance des curés qui livrèrent les clefs des églises et des clochers (les femmes et les enfants se replièrent dans l’église d’Arros) ; des milliers de paysans, armés de toutes façons envahirent Arros ; le tumulte fut énorme, les paysans surexcités ne voulurent rien entendre. Le procureur de la république conféra avec le commandant Carondelet  du  41ème  qui commandait le détachement. Celui-ci déclara qu’il répondait de ses hommes ,des  Africains éprouvés (armée d’Afrique –Algérie de 1839 à 1848) mais qu’en présence  d’un conflit sanglant avec la population civile, mieux vaudrait avoir,  coude à coude avec la ligne, la garde nationale. Le procureur de la république, partageant cet avis, donna l’ordre du départ. Les troupes rentrèrent à Pau.

     Le lendemain, samedi 2 septembre, les autorités décidèrent que M. Landrin, préfet, accompagné de deux conseillers de Préfecture, M.M Casenave et Armand Mérillon, d’une part et d’autre part le procureur général, M. Achille Marrast, M. Laporte, président, M.Ferrier, conseiller et M.Bordenave d’Abère, substitut, se rendraient à Arros où ils seraient précédés ou suivis par le bataillon de la garde nationale de Pau, sous les ordres de son commandant, M. Adrien Lestapis, par un bataillon du 41ème de ligne et par plusieurs  brigades de gendarmerie. Ordre était envoyé de diriger sur Nay le régiment de chasseurs à cheval en garnison à Tarbes.

      La garde nationale fut rassemblée sur la place Gramont dans la nuit du 2 au 3 ; le bataillon du 41ème vint prendre place à ces côtés ainsi que la gendarmerie et, vers les 3heures du matin, la colonne s’ébranla dans la direction de Gelos, pour suivre la rive gauche du gave, sous le commandement supérieur du commandant Lestapis.  Les soldats de la ligne avaient chacun 10 cartouches  dans la giberne. Un tonneau de 6000 cartouches suivait la garde nationale, mais la distribution par homme ne devrait être faite que sur les lieux et suivant les nécessités.

      Aussitôt après Gelos, qui était calme, on vit, tantôt sur un point, tantôt sur un autre, des paysans à cheval qui à la vue de la colonne(le jour naissait), partaient à fond de train dans la direction d’Arros. On voyait des groupes armés longeant la crête ou les flancs des coteaux dans la même direction. Aussitôt, le tocsin se mit à sonner dans tous les clochers et des appels, des clameurs retentissaient dans les lointains. Le spectacle n’était pas rassurant pour la garde nationale qui n’avait jamais entendu parler la poudre mais qui, néanmoins, faisait bonne contenance. A  Rontignon, où il se fit une courte halte, on plaça la ligne en tête de la colonne. Les troupiers qui venaient d’Afrique relevèrent allègrement  leurs capotes et prirent le pas accéléré. La colonne s’arrêta à Saint Abit où la garde nationale reprit sa place en  tête, sauf les voltigeurs du 41ème qui formaient l’avant-garde.

       Le commandant  Lestapis, seul avec son adjudant –major s’avança jusqu’à Arros, à quelques centaines de mètres. Sur  la place, le préfet  Landrin , ayant à ses côtés MM. Casenave et Mérillon , cherchait à calmer la foule insurgée. Ils  étaient  là, depuis deux heures ayant précédé les troupes et se dépensant en vains efforts. Bientôt arrivèrent  MM. Achille  Marrast et les autres magistrats. Sans escorte, ils fendent la foule jusqu’à la mairie où, d’une fenêtre, M.Marrast harangue les insurgés. On applaudit ses premières phrases où il parle de sagesse et de patriotisme, mais aux premiers mots de 45 centimes les cris couvrent sa voix. L’apaisement devient impossible.

   Les autorités rentrent à Saint Abit chez M. de Livron. On délibère. Le colonel du 41ème déclare énergiquement qu’il répond de déblayer le terrain ; mais, dit-il, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. M. Marrast et M. Landrin décident que le conflit, dont les effets seraient très graves sera évité. Ordre est à la colonne de faire demi tour ; contre ordre est envoyé aux chasseurs arrivés à Nay et M.M. Cassaigne et le Dr Cazenave, conseillers généraux de Nay-Est et de Nay-Ouest, qui avaient joint leurs efforts à ceux des autorités pour l’apaisement, furent chargés de faire part aux insurgés des résolutions prises. Ils devaient aussi leur faire comprendre à loisir que la soumission à la loi était un devoir, et que la retraite des autorités et de la force armée  n’avait été dictée que par un sentiment d’humanité.

    Les troupes firent halte à Baliros où la garde nationale fraternisa avec la ligne ; on avait vins et victuailles, grâce aux prévisions sages de Bernis ( lou Toutou de Bernis) traiteur émérite.  Puis la colonne rentra à Pau où on l’on admira fort la crâne allure de nos braves gardes nationaux, dont un détachement  fit remiser en lieu sûr le tonneau des cartouches.

       On concéda à payer l’impôt par acomptes, mais tout fut payé. Témoin cette note du Mémorial  du 6 septembre : « Excellente nouvelle ; le calme est complètement rétabli à Arros , les habitants de cette commune paient spontanément l’impôt des 45centimes » et une autre note du 7 septembre dans le même sens.

      Mais la justice avait quelques meneurs à punir. Le tribunal correctionnel de Pau fut saisi et le 2 octobre, prononça cinq condamnations. Je ne nommerai personne, dans ces  cinq familles, les sentiments ont changé et ce n’est plus aujourd’hui qu’on fomentera à Arros et ailleurs de pareils troubles. Je prends simplement dans le Mémorial ces trois lignes :

  « Un d’eux a été condamné à deux mois de prison, un autre à un mois, un troisième à quinze jours et deux à huit jours de la même peine »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 
 

Qu’on nous tue ! mais nous ne paierons pas !!

Article paru dans « L’ami de la religion » du dimanche 10 septembre 1848

"Les troubles d’Arros et de la vallée du Gave sont loin d’être terminés. Les populations de ces contrées refusent formellement de payer les 45 centimes. Des écriteaux affichés dans toutes les communes menacent de mort ceux qui abandonneront leur poste, ou paieraient le malencontreux impôt. Lorsque le préfet, M. Landrin, a voulu essayer des moyens de conciliations, sa voix a été couverte par des cris et des huées. Les paysans ont entouré sa voiture et d’une seule voix , ils se sont mis à crier : « Qu’on nous tue ! mais nous ne paierons pas !... » Malgré l’attitude imposante de la garde nationale, de la troupe de ligne, infanterie et d’un régiment de chasseurs qui n’a pas pu arriver à Arros , attendu que le pont de Nay était défendu par trois formidables barricades, force a été à l’autorité de céder devant dix-neuf communes réunissant au moins quinze mille hommes armés L’autorité a promis d’écrire à Paris de faire savoir qu’attendu la pauvreté de la vallée, sa population est hors d’état de payer l’impôt. Les choses en sont là."


Le même jour « Le moniteur du soir » donne des nouvelles plus rassurantes

L’agitation dont la vallé d’Arros a été le théâtre et qui a failli dégénérer en un collision sanglante, vient de s’apaiser de la façon la plus heureuse et la plus inespérée. Les dernières nouvelles arrivées du théâtre des troubles causé par la perception de l’impôt des 45 centimes font connaitre que la population s’est complètement soumise. Les habitants n’ont pas attendu le retour du percepteur pour acquitter l’impôt ; ils sont allés le trouver eux-mêmes. Ceux qui étaient en mesure de le faire ont payé la totalité de leur contribution, les autres en ont acquitté la plus grande partie ; de telle sorte que le recouvrement des 45 centimes se poursuit avec une entière facilité.


« L’observateur des Pyrénées » rapporte que M.Nogué , chargé par le gouvernement d’une mission conciliatrice, continu sa tournée dans les cantons où s’était manifestée une vive résistance à acquitter l’impôt des 45 centimes. Il s’est rendu à Arros. Partout ses conseils sont favorablement écoutés et les contribuables se montrent de plus en plus disposés à se soumettre à la loi.


20 octobre 1848

         Par jugement rendu par le tribunal correctionnel de Pau, les Sieurs André Jeanboué, Pierre badiedebat, Zacharie Ladebat, Pierre Guichot et Jean Blanquine tous demeurant et domiciliés à Arros, déclarés convaincus de s'être rendus coupable d'avoir le 30 aout commis dans la commune d'Arros le délit de rebellion envers le Sieur Malaureille, huissier à Nay agissant pour l'exécution des lois et en outre le sieur Jeanboué convaincu d'avoir le même jour porté deux coups de poing sur le territoire d'Arros ou dans le trajet de cette commune à Nay sur la personne de Jean Pierre Bordenave de Mirepeix chargé d'un service public comme témoin de l'huissier Malaureille et ont été condamnés à savoir; André Jeanboué à deux mois d'emprisonnement, Pierre Badiedebat à quinze jours, Zacharie Ladebat à huit jours, Pierre Guichot à un mois et Jean Blanquine à quinze jours d'emprisonnement et solidairement aux dépens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 
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