Le soit disant "moulin d'Espalungue"
Chaque document découvert apporte une pierre à l’édifice de la construction de l’histoire de notre village, tantôt par l'ouverture d'un nouveau dossier ou bien quelques informations complémentaires sur un thèmes déjà abordés mais parfois aussi une totale remise en question de ce que l’on croyait être une vérité vérifiée et admise par tous
Ce dont il s'agit et qui nous intéresse ici découle d’un article récemment mis en ligne concernant la construction d’un nouveau moulin et foulon sur la commune où naturellement on peut se poser la question de la raison pour laquelle la communauté d’Arros avait vraiment besoin d’une telle construction en 1793? N’y avait-il pas déjà celui du Baron sur le canal de l’Escoure à la Cardède ? Peut être que le gouvernement révolutionnaire cherchait à faire de l'hombre sur celui du dit Baron en construisant alors un autre moulin cette fois appartenant à la commune en signe de revanche sur l’ancien régime ou les d’Espalungue en retiraient depuis toujours tous les bénéfices. Aussi était-il si ancien et dans un état de délabrement tel que sa réparation aurait sans doute été trop dispendieuse ? Vraisemblablement la raison est ailleurs que dans les procès intentés par les habitants d’Arros contre leur ancien maître dans les premières années de la révolution, ce dernier étant souvent pris à partie concernant ses anciens privilèges comme celui de l’affaire du territoire des Couts qui depuis le 15ème siècle est contesté régulièrement par les habitants de plusieurs villages de la rive gauche du gave, son entêtement l’amènera aussi à être soupçonné d’antirévolutionnaire et d’être emprisonné quelques temps pendant la Terreur. Nul doute d’après ce document que ce moulin et foulon ont bien été bâtis par les habitants d’Arros dans les premières années de la 1ère République mais aucun document connu , pour l’instant, n’y fait référence et aucun texte à partir de 1800 dans les délibérations du conseil municipal ne fait part de l’existence d’ autre bâtiment que celui connu sous le nom d’Espalungue sur le canal parallèle au gave depuis sa prise d’eau à Mirepeix appartenant lui aussi au dit Baron. Le moulin construit par les citoyens de 1793 était donc devenu très certainement dès le début du siècle suivant la propriété de la famille d’Espalungue retrouvant à l’occasion en partie ses privilèges d’antant et le restera ainsi jusqu’au 20ème siècle. Ce que l’on appelle encore communément aujourd’hui « moulin d’Espalungue » n’était à priori à l’origine qu’un moulin municipal construit entre 1793 et 1799 et voulu par les habitants d’Arros, son conseil général et son maire de l’époque Jean Sassus. Mais où donc se trouvait alors le moulin et foulon des Barons avant la révolution dont les écrits comme ceux de l’abbé Bonnecaze en 1767 confirmant de la présence sur le territoire de la Baronnie d’un double moulin propriété des d’Espalungue dans sa description du village d’Arros ? Il semble peu probable, tout d’abord, qu’il fut jadis édifié sur le site même du nouveau moulin loin et isolé du village et la délibération du conseil en 1793 en est la preuve puisqu’il il y est bien mentionné qu’ils était à la recherche d’un nouveau local.
Le village tel que nous le connaissons aujourd’hui est le résultat d’un ensemble de travaux entrepris à partir des années 1830 mais dont les idées et la volonté de changement venaient des tous premiers gouvernements post révolutionnaires de la commune n’ayant, pour des raisons souvent économiques ou par les nombreux bouleversements politiques d’une époque très troublée, pu réaliser tous leurs projets de modernisation et d’aménagement du territoire d’Arros. Lorsque les arrosiens prirent en main la destinée de leur commune ils y trouvèrent un village dans un état pitoyable qui n’avait certainement pas été rénové depuis fort longtemps ; une église délabrée, la maison commune menaçait de s’écrouler, il n’y avait pas d’école et les chemins, parce que l’on ne peut pas encore parler de route, à peine entretenus. Les habitations aussi, qui pour la plupart encore n’ étaient construites qu’avec des murs en bois et torchis sous des toits de chaume provoquant régulièrement des incendies, faisaient même certainement plus penser à un village à peine sorti du moyen-âge avec au milieu son fier et beau château du ci-devant Baron d’Espalungue. Si la plus importante modification fut celle de la création de la place de la mairie il y eut aussi la priorité pour le département de rénover et même d'ouvrir de nouvelles routes comme celle n°3 allant de Tarbes à Bayonne qui sur le tronçon passant sur le territoire d’Arros n'était qu'un modeste chemin vicinal ne correspondant plus aux besoins du moment. Il existe plusieurs délibérations du conseil municipal en 1836 évoquant à l’occasion des contestations parmi les arrosiens concernant le nouveau trajet qu’ils voulaient voir traverser le village mais aussi des rapports faits par les ingénieurs des ponts et chaussée au Préfet qui, tous, nous indiquent qu’après avoir bifurqué dans la plaine la route départementale devait rejoindre le moulin d’Espalungue avant de continuer son chemin vers Rébénacq et emprunter le pont récemment construit sur le ruisseau Luz. En 1836, l’unique moulin et foulon appartenant au Baron se trouve alors sur le canal de l’Escoure et il paraît bien peu probable que les ingénieurs aient pu avoir l’idée saugrenue de faire passer la route d’Oloron par la Cardède pour revenir ensuite vers le village.Le moulin en question ne pouvait donc pas être celui de 1793 et un détail sur le dit rapport au préfet nous apporte enfin le début d’une réponse à l’emplacement initial du moulin de l’ancien régime décrit par Bonnecaze. Ce rapport fait mention de l’existence d’un déversoir sur le canal du moulin d’Espalungue, or celui que nous connaissons bien ne possède pas de déversoir et les eaux de crue devaient vraisemblablement être dirigées vers le foulon qui peu de temps après sa construction n’était déjà plus utilisé faute d’activité.
Le moulin des Barons d’Arros
Celui qu’on appelle « moulin d’Espalungue » édifié sur la canal de l’Escoure depuis la fin du 18ème siècle n’étant pas celui dont l’Abbé Bonnecaze faisait mention dans sa description du village d’Arros vers 1770, il devait alors se trouver ailleurs sur le territoire de la baronnie et très certainement sur une terre appartenant aux Seigneurs du lieu un moulin et foulon beaucoup plus ancien ayant même peut être été jadis la propriété des premiers Barons d’ Arros. La première carte de Cassini à la même époque que les écrits de Bonnecaze avait déjà représenté ce qui était d’après la nomenclature un moulin en amont du vivier sur le canal dont les eaux étaient prises au ruisseau Luz et qui traversaient de part en part la propriété du châtelain. Le déversoir qui lui servait alors pour réguler les eaux en cas de crues et évoqué dans le rapport au Préfet en 1836 par les ingénieurs des ponts et chaussées lors de la construction de la nouvelle route d’Oloron, avait toujours été devant les yeux des arrosiens sans connaître l’ utilité première de cette étendue d’eau si ce n’est celle d’être une retenue pour le lavoir, aujourd’hui en ruine, construit sur la surverse longeant la route départementale et se déversant plus loin dans le Luz. Cette étendue d’eau, sur le côté gauche de la route, envahie aujourd’hui par la nature, alimentait le lavoir où il y a encore quelque temps les femmes d’Arros se réunissaient pour y rincer leur gros linge, n’est donc pas une formation naturelle mais bien un élément bati faisant partie de l’ancien moulin et foulon qui se trouvait lui de l’autre côté de la route. La présence d’un moulin à cet emplacement qui fut détruit autour de 1800 n’est pas fortuite et présentait aussi l’avantage pour le Baron de nourrir avec les déchets de meunerie les poissons de son vivier. Pendant une grande partie du 18ème il fut donné en exploitation à la famille Cazajus ( proche du Baron à cette époque et alliée au siècle suivant à la très républicaine famille Grilhou) originaire de Boeil où les membres étaient meuniers depuis plusieurs générations mais surtout étaient des catholiques « nouveaux convertis » sans trop de conviction comme le Baron d’Espalungue lui même.
Avant la révolution, le quartier autour du moulin devait être bien différent de celui tel qu’il fut aménagé plus tard au début du 19ème siècle par la création de la toute nouvelle route de Nay à Rebénacq et qui depuis cette époque n’a pas vraiment changé. La nouvelle route n° 3 a été tracé sur des chemins existants, tantôt sur des tronçons publics comme celui partant du bout de la rue des Pyrénées et se dirigeant vers le pont du Luz qui devait faire partie vers 1830 des réalisations importantes pour la traversée du territoire d’Arros rejoignant ensuite l’ancienne route au niveau de la ferme Coumet (au croisement de la Route Royale et du chemin de Bourda) par l’ancien chemin dit du dessous des vignes qui avait été élargi à cette occasion, mais aussi sur des portions privées ne servant à l’origine que de chemin d’exploitation pour les propriétaires riverains qui furent alors expropriés pour cette réalisation, comme celui débutant sur l’actuel route de Pau jusqu’au croisement de la route des Pyrénées et le début du chemin des carrières. Ce dernier chemin d’ailleurs n’existait pas encore sous l’ancien régime, du moins dans sa partie initiale, et il n’y avait encore aucune bâtisse au delà du village . Pour se rendre sur leurs terres des Artigues, du Moun de Rey et plus loin des différents hameaux, les habitants devaient emprunter un chemin qui longeait le canal d’Espalungue, dont on peut encore voir certains tronçons, pour rejoindre en amont le chemin des carrières ou après avoir traversé le luz au pont de la Bazie, prendre celui des bois ou encore reprendre l’ancienne route Royale de Nay à Rébénacq passant par la difficile côte de Langladure et le pont de Barrère plus ou moins abandonné sur cette partie dés le début du 18ème pour des questions d’entretien et de dangerosité, jusqu’à la ferme Coumet. Ce chemin porte le nom très énigmatique de « chemin de la messe » et dont il sera question dans un article ultérieur. Le Baron avait quant à lui accès aux terres de la rive gauche du Luz et de sa métairie Labourie par un pont dont on toujours voir les vestiges dans le champ où se trouve la fontaine dite « des fées » en longeant la rivière sur environ cent cinquante mètres en aval et très proche du château.