Arros rend les armes
Trois ans après la révocation de l’édit de Nantes qui intervint après une vague d’abjurations forcées , les anciens huguenots, toujours suspects, firent l’objet d’un désarmement général en Béarn en novembre et décembre 1688. L’action de l’intendant Nicolas Foucault arrivé à cet effet à Pau le 1er février 1684, se caractérisa par l’édit de « réduction » du 4 février 1685, ne laissant subsister que cinq lieux de culte sur les vingt autorisés jusqu’à présent. Les démolitions des lieux de culte et les multiples entraves à son exercice dans ceux qui subsistaient ne suffisant pas à entraîner une conversion significative des protestants béarnais et ceux encore nombreux d’Arros, il eut recours aux « missionnaires bottés » déjà expérimentés en Poitou. Les dragonnades qui se déroulèrent du 17 mai à Pontacq jusqu’au 14 juillet 1685 à Orthez finirent par emporter la mise . Il y eut plus de 22 000 conversions obtenues sous la contrainte comme à Nay où les dragons terrorisèrent les protestants puis vient l’édit de Fontainebleau révoquant celui de Nantes qui couronne cette entreprise le 17 octobre de cette même année. Néanmoins, ces abjurations obtenues de manière expéditive, n’étaient guère sincères, preuves en est les multiples affaires les concernants au 18ème siècle et en particulier à Arros où longtemps après encore ils continuent d’abjurer et c’est là une particularité de notre village ou il semble presque que les huguenots ne souffrirent pas autant qu’ailleurs en Béarn. Les autorités elles-mêmes ne s’y trompaient pas, distinguant immédiatement les « nouveaux convertis » qui furent très nombreux dans notre village dont le baron lui-même suspecté vers 1700, des anciens catholiques .En 1739 les jurats d’Arros furent aussi suspectés d’être protestants et il semble même que se fut le cas dans toute la première moitié du 18ème siècle. Il y en eut aussi certains qui ont essayé de partir devant tant de pressions vers un pays du Refuge mais malheureusement avec peu de succès pour deux arrosiens qui furent repris et envoyés aux galères et dont l’histoire sera raconté dans un autre article. Il y eut aussi des assemblées clandestines où des pasteurs de passage séjournaient encore chez les protestants comme chez Sallenave à Arros vers 1750 . La Révocation provoquait donc un problème d’ordre public, qui ne cessera qu’avec l’édit de Tolérance de 1787 .
Au début du mois de novembre 1688 une ordonnance fut publiée en Béarn renforçant encore plus les brimades et suspicions à propos de la collecte des armes des nouveaux convertis et de leur remise aux jurats du lieu et ceci particulièrement à Nay et les villages qui en dépendent dont Arros entre le 14 et le 26 novembre. Cette ordonnance avait bien sur l’objectif de révéler la liste des familles des « nouveaux convertis », tout au moins ceux susceptibles de posséder des armes et bien évidemment qu’il permettait à l’époque de surveiller de plus près ces familles qui n’en finissaient pas de payer leur origine confessionnelle. Les peines encourues n’étaient pas négligeables pouvant aller jusqu’aux galères pour toute possession d’armes, blanches ou à feu ; seul le Baron d’Espalungue, en raison de son rang, avait l’autorisation d’en conserver un nombre limité à deux épées, deux fusils, deux paires de pistolets et six livres de poudre et de plomb, sauf à encourir une peine de trois mille livres d’amende et même de prison en attendant le versement
A la vue de la liste des armes remises, quelque soit le village de la vallée de Nay, un grand nombre d’entre elles sont obsolètes comme les vieilles hallebardes, piques et pertuisanes, de même que les pistolets à rouet qui sont désuets et hors d’usage. Les épées sont rompues, rouillées, sans fourreau. Les bourdons eux mêmes sont parfois qualifiés de « méchants » et plutôt inoffensives. Néanmoins, elle peut aussi laisser supposer une volonté de faire bonne figure en se débarrassant d’armes hors d’usage, tout en préservant, voire en en cachant, d’autres plus opérationnelles. En effet les délais accordés pour ces remises d’armes furent suffisamment long pour permettre à ceux qui en détiennent de prendre le temps de les cacher Ces mesures n’eurent donc aucun effet dans la pratique, les « nouveaux convertis » béarnais, une fois l’orage passé sortant de leur cachette ou acquérant à nouveau des instruments ou des armes indispensables à la vie agricole ou la sécurité des transports de marchandises.
Il fut donc remis au Sieur Coalat , bourgeois de Nay, pour les faire porter au château de lourdes les armes collectées dans les différents villages dont :
Pour Beuste : neuf forts méchants fusilhs et fort courts, deux pistolets de ceinture fort meschants, quatre vieilles espées, trois meschantes fourches de fer, un haut-bedouil et huit méchants bourdons.
Pour Boueilh : un fusilh, un mousquet, un pistolet, le tout fort meschant, une vieille espée, une vieille pertuisanne (sorte de hallebarde) et un bourdon à crocq fort méchant.
Pour Saint-Abit : un méchant bourdon et un haut-bedouil (ébranchoir) aussy fort méchant .
Pour Bourdètes : une espée et un bourdon fort vieux et fort méchants.
Et enfin à Arros : quatre vieux mauvais fusilhs, fort courts dont l'un est sans platine tous rompus, trois meschants canons de mousquet fort rouillés et fort anciens, un méchant pistolet et deux meschantes platines de fusilh avecq cincq vieux bourdons (baton du pèlerin pouvant servir d’arme blanche qui est aussi l’attribut de Saint Jacques le Majeur le patron de l’église d’Arros).
Il n’y avait pas vraiment non plus de quoi déclencher une révolte