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le soldat inconnu d'Arros

 

Quel pataquès !

1ère partie : « Le soldat inconnu » d’Arros

    Dans le cadre de la mise en ligne des poilus d’Arros, un soldat de la grande guerre figurant sur le monument aux morts d’Arros mérite de faire ici quelque peu la lumière concernant ses parcours civil et militaire compte tenu que bien qu’il soit né à Nay, il ne fait pourtant pas partie des combattants dans les archives militaires des Basses Pyrénées. Le soldat dont il s’agit s’appelait Jules Henri Riupeyrous dont l’acte de décès a bien été transcrit en 1917 sur le registre d’état civil du village et le nom aussi gravé en lettres d’or dans la pierre du monument aux morts. Il reste cependant un parfait inconnu dans le département et nulle part ailleurs en France non plus, un vrai mystère pour l’état civil qui malgré cela se retrouve étrangement dans la liste les poilus disparus de la commune. Son acte de naissance fait à Nay le 5 décembre 1886 alors qu’il est né deux jours plus tôt mentionne qu’il est le fils naturel de Thérèze Roupeyrous et non Riupeyrous demeurant à Nay, place st Roch, travaillant comme ménagère de la commune d’Arros et âgée de 18 ans

  Le dit Roupeyrous Jules Henri existe bel et bien et on peut retrouver, non sans certaines difficultés, son dossier militaire dans les archives du département de la Seine où y sont mentionnés quelques détails des plus intéressant pour comprendre un peu mieux ce qu’il s’est vraiment passé. Nulle part il n’est question d’Arros ni même du département des B.P. En 1906, Thérèse habite Paris et Jules Henri est à Alger où il est dit garçon laitier avant son incorporation l’année suivante au 4ème régiment de zouave basé en Tunisie. Il est renvoyé dans ses foyers en septembre 1909 et s’installe plus tard à Tunis chez un télégraphiste. En décembre 1913, il obtient même un poste de facteur à Tunis avant d’être rappelé le 2 août 1914 à la mobilisation générale et affecté au 4ème régiment de chasseur d’Afrique à Tunis. Sa fiche militaire nous signale alors son parcours pendant le conflit contre l’Allemagne jusqu’en mars 1915 puis dans l’armée d’orient jusqu’à sa mort accidentelle à Pau en mai 1917. Ce jour de mai 1917 on trouva curieusement sur lui des papiers disant qu’il était bien originaire d’Arros, très certainement son acte de naissance et la mention « Arros » qui y était inscrite comme sus dit plus haut. Il ne s’en fallait pas plus pour que les autorités locales fassent alors transcrire son acte de décès dans notre commune n’ayant trouvé aucun membre de sa famille dans la région et ainsi créer la confusion qui s’en suit vu que la commune d’Arros est aussi le berceau d’une branche de la grande et ancienne famille béarnaise des Riupeyrous. Tous laisse penser que l’officier de l’état civil d’Arros ait pu faire une erreur compte tenu de la ressemblance entre les deux noms. Le nom de Roupeyrous existe bien et on le peut retrouver notamment dans la région de Montauban mais ces deux familles n’ont donc à priori aucun lien de parenté et la présence de Thérèze à Arros n’est peut être rien d’autre qu’un pur hasard. Mais alors la question se pose : « que faisait Jules Henri à Pau en 1917 ? » Certainement était-il en permission mais pourquoi à Pau si loin des zones de combats de son unité ?

 

2ème partie : « Mort pour la France »

      S’il ne fait plus aucun doute qu’il y eut une véritable méprise concernant le nom de ce militaire, son ajout à la liste des soldats « Morts pour la France » semble tout aussi douteux. Il fut bien fait une transcription entre la commune de Pau où Jules Henri est décédé des suites de son accident à l’hôpital mixte cours Bosquet, mais il ne s’agit là que d’une simple transcription que l’on fait ordinairement dans le cas ou le décès a lieu dans une commune autre que celle de résidence du disparu. La dite transcription de l’acte de décès de Roupeyrous est datée du 26 mai 1917 soit le jour même du décès et contraire à une transcription militaire qui peut prendre plusieurs mois suite à un jugement rendu par le tribunal de première instance pouvant ouvrir des droits à une pension pour les ayants droit mais surtout y est apposée la précieuse mention « mort pour la France » selon la loi de 1915 et plus tard  une place sur le monument aux morts. Nulle trace non plus sur son livret militaire de la dite mention qu’il est d’usage d’inscrire pour les soldats morts en service. Comment le nom de Roupeyrous a pu donc se retrouver sur le monument aux mort alors qu’il n’est pas reconnu comme tel par les administrations civils et militaires ? Jean Dufau, l’officier d’état civil d’Arros à l’époque ne pouvait pas ignorer les circonstances de la mort de Roupeyrous rendant ainsi son inscription à la liste des héros arrosiens plutôt douteuse vu les conditions régis par la loi dont ils devaient répondre à savoir avoir un lien direct entre le défunt et la commune, ce qui dans ce cas précis n’est pas vraiment vérifiable ainsi que la mention « Mort pour la France » ici absente du dossier. Malgré cela, le chasseur Jules Henri Roupeyrous est enterré dans le carré militaire du cimetière de Pau dans la tombe N° 248. Sur cette affaire les autorités municipales semblent bien avoir fait preuve de négligence ou en tous cas avoir pris certaines distances avec  la loi.

 

Décès du chasseur "Roupeyrous"

    A minuit et demi, se sont présentés au poste de la rue Carnot deux paysans qui ont dit se nommer Sarraillé Bernard, 58 ans et Castaing Pierre, 56 ans les deux propriétaires à Sauvagnon ; ils ont fait la déclaration suivante : Vendredi soir, vers 9 heures, un militaire descendait la côte de Sauvagnon à bicyclette à une très vive allure. Arrivé presque en bas de la côte il a heurté une femme de Sauvagnon qu’il a renversée mais qui peu contusionnée, a pu continuer sa route. Quant au militaire il est tombé sur la tête. Relevé sanglant et sans connaissance, il a été couché sur une jardinière et transporté à l’hôpital de Pau. Admis aussitôt, le blessé a reçu les soins vigilants et éclairés du docteur Bordenave. Les papiers retrouvés dans les poches du militaire ont permis d’établir son identité ; c’est le nommé Riupeyrous Jules, soldat au 4ème chasseur d’Afrique, natif de la commune d’Arros. L’état du malheureux est grave et au moment de mettre sous presse on apprend que l’infortuné Riupeyrous est mort sans avoir repris connaissance.

 

     Après lecture de cet article paru dès le lendemain de la mort de Jules Henri dans le quotidien « l’indépendant des Basses Pyrénées » le doute s’installe à nouveau quant à sa véritable identité et le fait qu’il ait vraiment été originaire d’Arros. La présence de papiers sur lui révélant son attachement à notre village nous oblige à reconsidérer cette affaire depuis le début soit au moment de sa naissance le 5 décembre 1886. Deux jours après, se présente la sage-femme nommée Marie Harsans à la mairie de Nay pour y faire enregistrer la naissance d’un enfant naturel de Thérèze R..péyrous. L’acte fait par l’officier d’état civil avec les informations qui lui ont été données présente quelques approximations et n’ont donc pas permis de l’enregistrer correctement. Il y a eut d’abord un problème d’écriture du nom dont la lettre précédent le « u » ressemble plus à un « o » qu’un « i » avec aussi l’absence de point. Il se peut que Thérèse à peine âgé de 18 ans, ne sachant surement pas écrire, aurait  donné oralement son nom à la sage femme avec un fort accent béarnais ou le « u » placé derrière un « i » diphtongue en se prononce alors « ou » et en conséquence la transformation plus tard du nom en Roupeyrous par l’administration militaire. Si Jules Henri était originaire d’Arros comme certains documents le stipulent à tort, en revanche il se pourrait très bien que sa mère Thérèse en ait été une habitante. Dans le registre des naissances du village, il n’y a pas de Thérèze Roupeyrous ou Riupeyrous mais il y a pourtant une fille né en 1867, soit correspondant exactement avec l’âge de Thérèze au moment de la naissance de Jules Henri, dont le nom complet est Marie-Thérèze Riupeyrous-Comet. Aucun doute que c ‘est en fait la personne recherchées mettant enfin un terme à tous ce « pataquès ». Là aussi, la sage femme n’avait pas pris connaissance de tous les détails nécessaire à l’enregistrement correct de la naissance de l’enfant qui maintenant on peut désormais l’affirmer s’appelait bien Riupeyrous et sans nul doute vraiment d’Arros par sa mère. Il y resta très certainement jusqu’en 1903 et le mariage de Thérèze, se nommant cette fois sur l’acte Riupeyrous-comet, avec un certain Jean Fraisse, et quitta alors la métropole pour l’Algérie où il se fait immatriculer lors de son recrutement militaire avec sa classe en 1906 et ainsi donne une explication à l’absence de son livret dans les archives du département. Jules Henri Riupeyrous était donc bien un enfant d’Arros où était originaire sa famille, malgré qu’il soit né à Nay.

        L’identité du chasseur Riupeyrous étant maintenant certaine et avoir pris connaissance qu'il ne répond pas au premier critère pour être considéré du village n'y étant pas né et non résident au moment de sa mobilisation, on en vient à la plus délicate question concernant la présence même de son nom gravé sur le monument aux morts d’Arros. Il y a là sujet à contre-verse sans pour autant contester ici sa valeur militaire qui malgré l’absence de fait d’arme particulier ou distinctions, fut certainement un très bon soldat qui réussit à passer trois années de conflit sans apparemment la moindre blessure d’après son dossier militaire. On peut cependant constater que bien d’autres poilus d’Arros qui revinrent du front diminués pour le restant de leur vie et qui bien souvent moururent prématurément de leurs traumatismes, auraient tout autant leur place sur le monument du souvenir si l’on avait alors pris en compte les morts au-delà du 24 octobre 1919. La mention « Mort pour la France » a été instituée l’été 1915 avec effet rétroactif pour le début du conflit, afin d’honorer la mémoire des combattants et des victimes de la guerre. Ainsi, tout acte de décès d’un militaire ou civil tué à l’ennemi ou mort dans des circonstances se rapportant à la guerre doit porter la mention : « Mort pour la France », après avis favorable de l’autorité ministérielle . Quel que soit le document, militaire ou civil, aucun dans ce dossier ne comporte la dite mention permettant d’être considéré comme « mort pour la France » et il semble bien que les autorités municipales auraient pu faire au moment de la construction du monument, très certainement vers la fin 1922, quelques erreurs comme celle de l’absence de Pierre Edouard Fiol décédé en 1914 et pourtant transcrit en 1920 dont le nom ne fut rajouté qu’à posteriori au bas de la liste. Comme il est aussi étrange d’y trouver le nom du chasseur Riupeyrous dont la mort accidentelle ne pouvait en rien être considéré comme un décès dans le cadre d’une action de guerre et donc recevoir des autorités militaires sur son acte de décès la mention « mort pour la France » lui permettant d’être inscrit sur le monument aux morts du village.

    Ces héros dont les noms sont à jamais immortalisés en lettres d’or sur le monument aux morts ne doivent pas pour autant faire oublier non plus tous les autres poilus d’Arros dont certains se sont couverts de gloire et de distinctions et de blessures aussi, mais, qui eux, n’ont pas eut la « chance » d’être mort au combat et d'être commémorés ainsi chaque 11 novembre. Retrouvez ici le nom et le parcours militaire de près de 250 jeunes héros arrosiens qui parce qu’ils sont rentrés vivants de l’enfer de Verdun ou du Chemin des Dames ont permis aux alliés de remporter la victoire finale sur l’Allemagne et la signature de l’armistice le 11 novembre 1918.